Se nourrir : un mot qui se lit en différentes strates. Il y a ce que tu portes goulûment ou délicatement à ta bouche, ce qui tient à la fois du goût et d’une nécessité vitale ; puis il y a ce qui nourrit sans l’intermédiaire des sucs digestifs. L’organique se mariant au sensible.
La plante : pomme, simple [1], courge. Apprendre à savoir en faire usage, à la reconnaître ; ne la traiter ni en étrangère ni en être sacré, intouchable et figé. L’effleurer, la sentir ou la prendre à bras-le-corps, savoir la transformer aussi ; en somme qu’un lien se tisse, que l’objet disparaisse pour laisser place au rapport complexe et dense d’une rencontre.
Défaits de l’idée contemporaine de purifier à l’infini nos corps malades de la société industrielle, nous nous sommes saisis des pratiques liées aux plantes. Nous cherchons à y gagner en autonomie et à nous remplir d’histoires qui nous tiennent vivants.
Ces histoires se composent à plusieurs, dans un commun qui ne se veut pas homogénéisation des êtres, mais création de mondes dans lesquels se vivent tensions et conflits, rencontres et transmissions. Cela amplifié d’une volonté inébranlable de penser des chemins possibles, des voies au travers du monde dont nous sommes issus. Un commun qui se dessine en dépendance désirée aux êtres et aux choses.
Certains processus d’apprentissage que nous avons rencontrés se lançaient dans la quête dérisoire d’une authenticité perdue, d’autres cherchaient avidement une niche économique où prospérer. Nous les avons délibérément omis, écartés, leur préférant ceux, plus hérétiques, qui se laissent emporter par un désir fou : matérialiser rêves et passions. Et pourtant, ces pratiques qui s’énoncent ne sont pas abstraites du monde, ne se pensent jamais en dehors de celui-ci et tentent, par le temps qui est pris et les espaces géographiques dans lesquels elles se déploient, de se mettre en tension avec le réel et l’économie. En effleurant l’idée de former des kystes, qui, en se métastasant, empêcheraient la reconduction à l’infini du monde tel qu’il est.
[1] Nom commun donné aux plantes médicinales.