Constellations

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Constellations, le livre Contrées - zad & No TAV Défendre la zad Saisons
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Savoir-faire

Savoir-faire

  • Mano Verda - Les mains dans la terre
    • Les pieds dans les pommes
    • Agrisquats – ZAD et Dijon
    • Cueillettes, avec ou sans philtres
      • Récoltes sauvages
      • Correspondance autour des plantes et du soin
      • Des âmes damnées
  • Interlude
  • Devenirs constructeurs
    • Construction-barricades-occupation
      • 15 ans de barricadage de portes de squats
      • Hôtel de 4 étages VS électricien sans diplôme d’État
      • Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
    • Constructions pérennes–installations agricoles
    • Maîtrise technique
      • Chantiers collectifs
      • Apprentissage et transmission du savoir
      • Outils et fabrique
    • Gestes et imaginaire
Le Chœur ion de la constellation
présentation de la constellation  

Si on bougeait la lanterne, je distinguais le cheval de Golo qui continuait à s’avancer sur les rideaux de la fenêtre, se bombant de leurs plis, descendant dans leurs fentes. Le corps de Golo lui-même, d’une essence aussi surnaturelle que celui de sa monture, s’arrangeait de tout obstacle matériel, de tout objet gênant qu’il rencontrait en le prenant comme ossature et en se le rendant intérieur, fût-ce le bouton de la porte sur lequel s’adaptait aussitôt et surnageait invinciblement sa robe rouge ou sa figure pâle toujours aussi noble et aussi mélancolique, mais qui ne laissait paraître aucun trouble de cette trans­vertébration.
Marcel Proust, Du côté de chez Swann.

Élevée au Bolino, repas rapide réchauffé au micro-onde, ma mère finit tard, mon père reviendra ce week-end, vraisemblablement. Ma grand-mère a sans doute eu pitié, elle a déposé cet après-midi des aliments sur la table de la cuisine, avec un petit mot gentil, disant que ce soir je mangerai une nourriture saine. Je regarde ces choses, médusée : viande fraîche (mais de quel animal ?), légumes crus, condiments dont j’ignore le nom et l’usage. J’appelle Allô-pizza.
Gentiane, souvenirs

Il est 23 heures, le chauffage du studio est électrique, le voisin fait résonner sa sono et il y a encore une dizaine de pages à écrire pour finir ce stupide compte rendu de stage. La lumière s’éteint, la musique du voisin continue à tourner, une heure passe, l’ordinateur arrive en fin de batterie, la température est proche de zéro, le placo n’isole pas. J’ai regardé le compteur, tout semble normal. Je ne sais rien, je ne comprends pas le moins du monde comment ça marche. Les quelques souvenirs de ma terminale S sont des connaissances inutiles dans cette situation.
Johanna, souvenirs

Nous vivons dans un régime de médiation permanente. Le monde qui nous entoure est devenu trop complexe, trop technique pour que nous ne soyons pas contraints de faire appel à des spécialistes et à leurs machines aux fonctionnements incompréhensibles pour résoudre une bonne partie des problèmes de nos existences. On pourrait retracer à l’envi ce qui nous a amenés là, de la destruction des modes de vie relativement auto-subsistants de nos aïeux, en passant par l’attrait du confort, et le confort de ne pas penser à tout. Il ne faudrait pas omettre la recherche de rentabilité qui encourage le développement d’un certain cryptage du réel et d’une obsolescence programmée des objets qui y circulent. On pourrait également faire l’histoire des dépendances qui s’installent, et à l’aggravation desquelles ces dix dernières années ont largement apporté leur pierre. Conserver des relations sociales sans téléphone portable relève désormais plus de l’exception que de la règle, vidanger une voiture récente hors d’un garage est devenu électroniquement périlleux, et cuisiner hors du cadre « privé » relève du défi face à la batterie de normes et d’interdictions hygiénistes qui prétendent ­désormais encadrer cette pratique.
Mais laissons à d’autres que nous la tâche de pointer les détails et l’étendue de ce sinistre constat. Car ce qui nous a marqués dans cette décennie, ce sont bien plutôt les tentatives qui se sont élevées contre cet état de fait, contre cette dépossession. Nous avons vu surgir une irrésistible envie de comprendre et de maîtriser a minima les processus qui nous permettent de vivre en nous passant d’intermédiaires. « Savoir-faire » c’est le nom que nous avons donné à cette aspiration. Elle se perçoit autant dans une forme de fascination pour les anciens gestes paysans, battage ou cuisson du pain, que dans le déferlement du Do It Yourself [1] dans tous les milieux sociaux du monde occidental, ou encore dans ce flot d’étudiants, pourtant diplômés du supérieur, qui reprennent sur le tard des formations pour devenir boulangers, mécaniciens ou maçons.
Cette velléité de réapprendre des savoir-faire a trop souvent été confondue avec l’exigence d’une vie plus saine. Mais si elle cherche effectivement à ne plus être pieds et poings liés devant les industriels et les supermarchés, c’est pour des raisons autrement plus intéressantes et profondes que le petit souci de soi et de sa santé. À ce titre, les magasins biologiques, d’éco-construction ou de médecine alternative n’apparaissent que comme des médiateurs d’un genre nouveau, porteurs de privatisations et de contraintes réglementaires. Il ne sera pas question ici de contrôle des consommateurs sur les producteurs, mais d’une reprise en main de nos vies qui balaye ces pesantes dichotomies.
Nous parlons d’un désir : plonger les mains dans la matière, poursuivre un processus de bout en bout, ou encore appréhender le fonctionnement des outils dont on se sert pour finalement arriver à ses fins. Les réponses pour le satisfaire sont variées et parfois contradictoires selon qu’elles s’en saisissent comme d’une lubie ou comme d’une passion. Délaissant les voies qui mènent à de nouvelles niches économiques ou à des autarcies fantasmées, nous nous sommes ici intéressés à celles qui considèrent ce processus de réappropriation comme un moyen de retrouver des prises sur le monde, tout en défendant la quête d’une certaine autonomie. Des savoir-faire qui refusent d’enrégimenter leurs gestes dans des grilles de devis, mais qui, au contraire, tentent perpétuellement de les décloisonner de la sphère économique. Le savoir-faire est alors choisi, appris et pratiqué en fonction de l’usage qui en sera fait et de la situation dans laquelle il est pris. Bâtir un mur en pierres sèches ce sera découvrir, au-delà de la manutention, un monde fait d’histoires à raconter au présent et de regards nouveaux sur ce que l’on prenait pour de vulgaires cailloux. Ce sera aussi permettre à des amis de cultiver ensemble sur les terrasses ainsi édifiées, partager des chants de travail qui se moquent de la valeur travail et n’oublient pas dans leurs couplets ceux qui ont fait les courses et la cuisine…
Dans ces moments, l’apprentissage se confond avec le faire. Certains rapportent de leurs formations institutionnelles un petit bagage à approfondir, d’autres sont des autodidactes convaincus, tous apprennent ensemble, expérimentent sur le tas et sauvagement en établissant un déroutant turn-over entre formateurs et apprentis. Les solutions aux énigmes de la matière se trouvent parfois dans la bouche du voisin qui passe, ou dans le fragment d’un conte ancien. Ces savoir-faire prennent la forme de chantiers collectifs, de groupes informels de réflexions, d’associations hors cadre ou de réseaux décalés, généralement forcés de contourner les lois et règlements pour continuer leurs activités. Les gestes se répètent, affrontent l’erreur, engagent vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres. Le temps s’étire parfois au-delà du raisonnable et la finalité se perd un peu dans l’attention aux moyens et aux manières, néanmoins la joie et la confiance reviennent dans le plaisir de la tâche achevée.
Il sera donc question ici de savoir-faire entiers et collectifs, qui ouvrent des mondes riches et vivants. Qui, de ce simple fait, cultivent déjà un certain antagonisme avec l’existant, antagonisme qu’ils se plaisent à renforcer quand ils se jettent subitement comme autant de forces et de moyens dans le tumulte d’une lutte.
Dans cette constellation, nous nous focaliserons sur deux domaines de savoir-faire parmi les plus vitaux : celui de la connaissance et de l’usage du monde végétal, et celui de la construction. Gentiane et Ronce nous guideront dans le premier à la rencontre d’un groupe de cidriers, d’une cueilleuse de plantes sauvages ou aux abords de potagers squattés qui viennent alimenter des luttes contre la métropole. Johanna nous fera cheminer dans un dédale de pierres, de chaux et de paille, avec la conviction que la construction peut se penser comme l’élaboration d’un corps constructeur.

[1] De l’anglais : « Fais le toi-même ». Qualifie aussi bien l’engouement pour les divers guides pratiques, que la sérigraphie de pochette de disques punk, les forums mécaniques ou le bricolage du dimanche. Son spectre s’étend de l’autoproduction quasi-totale à la consommation de produits en kit, de savoir-faire prémâchés.

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Borroka ! Désormais disponible en librairie


Cet abécédaire du Pays basque insoumis a été rédigé en vue du contre-sommet du G7 qui se tiendra en août 2019 à Biarritz. Il a été pensé comme une première rencontre avec un territoire et ses habitants. Car le Pays basque n’est ni la France au nord, ni l’Espagne au sud, ou du moins il n’est pas que l’Espagne ou la France. On s’aperçoit en l’arpentant qu’y palpite un monde autre, déroutant : le monde en interstices d’un peuple qui se bat pour l’indépendance de son territoire. Borroka, c’est la lutte, le combat, qui fait d’Euskadi une terre en partie étrangère à nos grilles d’analyse françaises. C’est de ce peuple insoumis et de sa culture dont il sera question dans cet ouvrage.
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