Où toute pensée émet un coup de dés
Écrire avec un point de vue historique sur les trois dernières années qui viennent de s’écouler n’est pas aisé ; nous essayons, ici, de dégager quelques pistes, trouver quelques récits, chercher la justesse d’une écriture qui s’arrête alors que ça continue.
Il ne s’agit pas de traquer entre ces lignes les grandes vérités stratégiques d’aujourd’hui, ou les nouvelles méthodes à suivre pour les prochaines années. Tout au plus peut-on parfois faire des paris sur ce qui sera un levier efficace pour ébranler le vieux monde. Par exemple : le pari que le contact avec « ce qui fait communauté », là où il en reste, ou là où il s’en crée, donne à toute révolte, à toute solidarité, une aura et une puissance, une intelligence et une finesse décisive. Une force grâce à laquelle se rend plausible l’impossible : empêcher les aménagements urbains ou le passage d’une ligne TGV, en finir avec la résignation face au sort atterrant réservé aux migrants qui accostent là où l’on habite. On se prend à rêver que ces luttes ancrées dans des espaces spécifiques pourraient se rencontrer, se propager et que dans l’alliage entre défense des territoires et solidarités nouvelles, s’ouvre une offensive commune contre le capitaliste.
Parfois on part d’où l’on est : la vie de quartier et quelques réseaux de connaissances. Les charivaris contre les caméras de vidéosurveillance du quartier de la Plaine (Marseille) organisent l’opposition à l’intrusion policière dans la vie quotidienne, et actualisent une présence du quartier dans la ville.
D’autre fois, la situation nous tombe dessus. Comme ces centaines de sans-papiers qui s’entassent dans la rue d’à côté. L’urgence d’abord, la solidarité comme une évidence, et puis le besoin de se saisir politiquement des questions qui se posent, notamment en allant chercher du côté des expériences qui nous ont précédés. Enfin, aller à la rencontre des déjà mythiques luttes du Val Susa ou de Notre-Dame-des-Landes. Passer la frontière ou s’enfoncer dans le bocage, pour comprendre, pour y prendre notre part, pour voir si l’on pourra ramener avec nous un peu de l’esprit de la lutte.