où l’on fait partie du parti de la jeunesse
En 2003, l’apogée du mouvement antimondialisation peut paraître bien loin pour qui découvre cette année-là la chose politique. En quelques années, les institutions mondiales ont appris à se protéger des manifestants derrière des dizaines de milliers de flics (avant d’aller tout bonnement exiler leurs sommets dans des lieux inaccessibles). Les images des rassemblements géants et des émeutiers casqués, perçues à rebours, font déjà partie du folklore. Surtout, le fond politique du mouvement – la dénonciation de la finance mondialisée – arrive au bout de ce qu’il peut : d’un côté, il est passé dans le sens commun (et finira même adopté par la droite la plus décomplexée après la crise de 2008), d’un autre il s’avère largement insuffisant pour répondre à l’exigence d’une lutte qui ne soit pas séparée de la vie.
En parallèle, et à la faveur de quelques revendications dans l’éducation nationale (régime des retraites, disparition du statut de pion, harmonisation européenne des diplômes universitaire), s’ouvre en 2003 une période d’intense agitation lycéenne et universitaire. Depuis la grève qui a bloqué la Sorbonne en 1443 – au moins – les cycles de révolte estudiantine s’enchaînent suivant un rythme régulier, et celui des années 2000 culmine bien sûr avec le mouvement anti-CPE en 2006. Comme dans tout mouvement de jeunesse, la fougue le dispute à la naïveté et le retour à l’ordre se profile derrière la relative tolérance de la société (puisqu’il faut bien que jeunesse se passe) et les injonctions à ne pas rater son entrée dans la vie active (et ses examens de fin d’année).
Mais les traditionnelles poussées de fièvre dans les lycées et sur les campus ont pris ces années-là une coloration particulière, avec les événements de novembre 2005, quand les banlieues de toute la France ont vengé Bouna et Zyed, morts sous pression de la police. La rage des émeutiers de novembre, si mal comprise par la gauche sécuritaire comme par la gauche sociologique, aura trouvé un écho dans une partie de la jeunesse, portée par les clips de rap et la simplicité du geste incendiaire. Les révoltes juvéniles sont parfois un jeu des plus sérieux.