Fête (lat. vulg. Fiesta), n. f.
Action de divertissement entre 19h00 et 6h00 du matin le week-end. « C’est la fête à tromper les gens du bout de la semaine. » L.F. Céline. Effets secondaires : forte dépendance, désabusement. « Les soirées de samedi soir quelquefois ça me déçoit. » Sexion d’Assaut.
Fêtes du pouvoir. Célébration d’un événement mythique, central dans la genèse de l’ordre social, et par lequel celui-ci se commémore lui-même, donne l’illusion de sa perpétuation. Milit. Démonstration de force et de discipline dans la réalisation d’un rituel précis. Par ext. Se dit aussi d’un événement ne célébrant rien, excepté la participation volontaire des gouvernés. « La musique, comme la république, est une et indivisible. » Jack Lang.
Fêtes sauvages. Rupture avec le quotidien, l’espace, le temps, les normes et les codes habituels. Pulsion hérétique aggravée d’un goût manifeste pour le chahut, l’ivresse et la folie. Manifestations orgiaques fréquentes au Moyen Âge et à l’époque baroque, en déclin systématique en Europe occidentale depuis des siècles. Présence pourtant avérée dans les années 2000.
Le problème incessant posé par l’impossibilité d’être humain sans être une chose, et d’échapper aux limites des choses sans revenir au sommeil animal, reçoit la solution limitée de la fête.
Georges Bataille
« Je suis un grand courant d’air dans le clair-obscur quotidien ! » La fête nous prend, nous submerge, nous embarque, comme une crise de rire collective. Ces jours et nuits d’effervescence sont un courant d’air dans nos existences, par lequel pénètrent le surprenant, l’inconnu, le magique. Mais quand sonne l’heure de disparaître, elle remballe le tout sans ménagement, nous laissant avec nos rêves, nos désirs balbutiants, nos frustrations parfois. Un mirage, la fête ? Sur ses talons claque la lourde porte du quotidien. Plutôt que d’y laisser les doigts et de gémir, nous tenterons dans cette constellation de jouer avec cette éphémère et si belle apparition, d’y puiser un goût de l’aventure, de la fraîcheur et de la joie. La fête n’est pas le temps où nous enfreignons les règles, ni celui où nous les détruisons, mais celui où nous nous en affranchissons. Une rupture, une coupure, un besoin de suspension durant lequel nous nous grattons à la corrosive irritation du nouveau. La fête n’est pas la négation de l’ordre qui rétablirait l’ordre sur des bases nouvelles, comme l’a trop souvent décrit une mauvaise sociologie, elle n’est pas non plus l’exutoire qui après chaque surgissement nous renvoie inéluctablement aux mêmes sinistres conditions d’existences. Elle est un pari, le pari d’une remise en cause possible.
Si la fête a un lien avec la question révolutionnaire, c’est justement parce que, dans ce temps suspendu qu’elle nous offre, s’ouvrent les portes de l’impensable, du « non encore vécu ». Un moment qui donne le goût, l’envie de l’inconnu, de ce qui pourrait advenir et qui serait tout autre. Vertige de la vie, cure de jouvence qui nous jette dans l’utopie du désirable, du tout est encore possible. Elle nous permet cette expérience ultime : que le soi puisse être détruit. On y touche du doigt une fusion collective, qui échoue pourtant. Mais de cette communion avortée naissent des envies, des rêves. La fête nous parle d’infini à défaut de nous en donner les moyens.
Un groupe de fêtards ruraux du sud de la France nous guidera dans ce qui, durant ces dix ans, peut encore être considéré comme des fêtes véritables : les fêtes sauvages. Ils ont échangé avec de multiples groupes, recueilli des témoignages sous forme d’entretiens ou de lettres, et tenté quelques analyses et récits.