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La bande à pRiNT et quelques autres complices se retrouvent parfois à sillonner les routes pour se rendre à des événements autour du hacking ou des logiciels libres. Ces déplacements nous amènent à fouler des halls d’universités bien propres, ou la moquette fuchsia des salons business de la Défense.
Vient l’année 2005. Cette année-là, l’événement français qui survient chaque été, les « Rencontres Mondiales du Logiciel Libres » (RMLL) [ne pas se fier au nom, la grande majorité des personnes présentes viennent de France] doit se tenir dans la ville où pRiNT est basé. On nous contacte pour participer à l’organisation, mais le courant ne passe pas mieux que d’habitude avec les adeptes du logiciel libre (libristes) « apolitiques » locaux… et il faut bien dire que des tâches comme négocier avec l’université, trouver des subventions auprès des pouvoirs publics, sont fort éloignées de nos habitudes et de nos pratiques.
Alors on lâche l’organisation.
Enfin, pas vraiment. On se dit qu’on va faire ce qu’on sait faire : « un off », que nous nommerons les « Nocturnes ». Décalé.e.s pour être décalé.e.s, soyons-le et amenons ce qui nous semble manquer aux froids couloirs entre les amphis : un espace de rencontres pour les soirées… et, tant qu’à faire, on l’organise avec nos complices, dont les hacklabs squattés dans d’autres villes, et grep|grrl (un « collectif international qui cherche à promouvoir l’utilisation de logiciels libres ainsi que l’apprentissage des nouvelles technologies par les filles et les femmes en particulier » – qui organisera des ateliers en non-mixité femmes dans le cadre des Nocturnes).
Avance rapide jusqu’au premier jour « officiel ». Nous voici en train de parcourir la fac, affiches et tracts en main, pour annoncer ces Nocturnes. Quelques heures plus tard, lorsque les vigiles ferment à clé les portes vitrées du bâtiment Sciences, nous guidons la foule jusqu’à la salle de concert du squat légalisé où pRiNT habite.
Et pendant toute la semaine, chaque jour, deux mondes : la fac, ses salles numérotées, son organisation verticale, ses badges, sa connexion Internet filtrée et lente… et le soir, à dix minutes de marche, tags, béton, meubles rafistolés, bouffe bonne et pas cher (et surprenante : vegan), films de culture geek projetés en boucle, ateliers hacking orientés différemment, parfum d’illégalisme, ainsi que d’autres facteurs plus triviaux qui n’étaient, sans doute, pas étrangers à la popularité des Nocturnes : une connexion Internet non bridée et de la bière bon marché.
Pour nos centaines d’invité.e.s chaque soir, c’est un coin du voile qui se soulève sur tout un monde dont illes n’imaginaient pas l’existence, et des phantasmes négatifs sur les squats qui s’envolent. Pour nous, c’était fou, c’était stressant, et on s’est aussi abîmé les un.e.s et les autres à heurter nos visions et nos énervements.
Sept ans plus tard, les personnes à qui nous avons servi à manger s’en souviennent très bien. Et regrettent de n’avoir jamais retrouvé une telle ambiance sur un autre événement : après 2005, l’équipe officielle a toujours organisé les soirées en amont… et à sa manière. Sans jamais vraiment mesurer à quel point le cocktail « lieu occupé + DIY + organisation horizontale + capacité de mobilisation militante » ne peut ni s’acheter, ni se décréter.
Ce moment fut l’occasion de suggérer ce que nous n’arrivions pas à expliquer à travers forums et listes de discussion par email : cette complémentarité, qui était pour nous si évidente, entre DIY et logiciels libres.
Il y a deux grandes familles de logiciels : les logiciels « libres », et les logiciels « propriétaires ». Laissons au Guide d’autodéfense numérique (tome 1, 2ème édition) le soin de nous initier à ces deux mondes : Pour comprendre la différence entre ces (...)