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organisé par de l’obscurité, avec le soutien de l’université de Rennes 2
« Jusqu’à la fin de l’université ».
Tout a commencé quand le président de l’Université a rencontré l’un d’entre nous fortuitement en le prenant en stop. S’en sont suivies des heures d’intenses discussions qui l’ont amené à vouloir démissionner de son poste. L’idée nous semblait percutante, mais nous avons préféré organiser un festival, sachant l’attachement des étudiants bretons à ce type d’événement.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous organisons donc, conjointement, ce festival. Pour des raisons de démocratie et de sens historique évidentes, la présidence ne pouvait pas annuler tous les cours pour que la révolution y prenne place, comme ça.
Elle soutient tout de même « du fond du cœur » cette entreprise.
C’est ainsi dans une certaine ambiguïté que les cours seront sauvagement et amoureusement désertés.
Il était temps.
(Les activités qui peuvent l’être seront quotidiennes
un programme plus complet viendra ultérieurement)
Corps
Conférence - discussions
Mort à la gauche
Se perdre
Musique
<dd<Il y avait un côté un peu arrogant à occuper la place comme ça. Nous étions réunis entre gens de la fac et d’autres aussi, tous insatisfaits de la manière dont s’était déroulée la lutte contre le LMD et nous cherchions autre chose. Nous cherchions vraiment, c’était un peu « Allez on y va, on tente ça, et puis… on verra bien ce qui se passe. »
C’est assez hallucinant. Vous avez là des gens tout à fait normaux. Pas des SDF ni des marginaux, même s’il y en a quelques-uns. Non, des gens normaux : étudiants des écoles d’ingénieurs, en maîtrise ou en doctorat, qui viennent avec des sacs remplis de bouteilles. Ils commencent par des canettes pour se mettre en forme et poursuivent avec des alcools forts, comme du pastis sans eau, du rhum, de la vodka, du gin… On se rassemble, on discute. C’est quelquefois agrémenté de tam-tam, mais le sujet n’est pas là. Ces gens ingurgitent tout cela, se déshabillent, font partout… Il y a des accouplements en plein air, des hurlements… On casse tout ce qui se trouve sous la main.
Le Monde du 16/01/06 (« La préfète et la rue de la soif »)
« T’as des thunes toi ? Ok, on remet ça. »
Il est 00h30, les gens commencent à être fin bourrés. Allez, on change de bar, on va à l’autre bout de la rue St Mich. On se fait un bain de foule et au passage, on tire un larfeuille à une meuf qu’est trop bourrée pour s’en apercevoir. On se rapproche de la place Sainte-Anne, c’est toujours par là qu’ils arrivent.
Tiens les fourgons se mettent en place, ils sont nombreux on va se marrer, y’a la Bac aussi toujours dans le même recoin, Bob Denard, le chef de la Bac, est là comme d’hab’, on sait où il habite, un jour on ira crever les pneus de sa caisse.
Être dans l’ivresse mais pas trop pour garder notre capacité de fauve à l’affût de l’uniforme et à la recherche du mobilier urbain encore capable de s’enflammer.
Allons voir derrière l’église, c’est là que sont les fourgons, on va mesurer leur force, plus par réflexe que par stratégie parce qu’on sait bien que si la sauce prend ce soir ce sera indépendamment de leur force, mais plutôt par une alchimie floue entre degré d’alcool et degré de folie.
On croise des potes, on leur file le numéro de l’immeuble où on a planqué des cailloux, acheminés l’après-midi dans un sac de voyage et planqués derrière une poubelle. On leur file aussi une clef de facteur qu’on a en double.
On rejoint l’autre bout de la rue St Mich, c’est de là que partira l’incendie parce que les flics chargent de l’autre côté et la foule fait tampon. Un chantier non loin, bien fourni en palettes, nous file le combustible.
Ça commence, ça tape sur les poubelles, ça hurle, ça provoque, avec, comme objectif palpable de faire monter la tension jusqu’à ce qu’ils craquent. En attendant l’ordre du chef, ils tripotent leurs tonfas eux aussi tendus dans une certaine excitation de l’action à venir.
Deux corps se jaugent : celui de l’ordre et celui de la fête éthylique.
On sent que c’est le moment, il ne faut jamais allumer un feu trop tôt, il faut mesurer la part de fous dans la foule par rapport à celle de frileux.
Une bouteille d’essence et c’est parti, on alimentera ce feu avec tout ce qui nous tombe sous la main, personne ne quittera la place tant que ce feu brûlera.
S’il ne charge pas, on va plus loin, le distributeur de billets se fait une fois de plus saboter, la vitrine taguer.
Une patrouille traverse la foule, regards de défiance, d’hostilité, injures « Kill the pig, molotov ! », ils ne bronchent pas ces connards, c’est notre place ici, on aimerait qu’ils n’osent plus nous traverser, s’ils ont le malheur de faire chier un gars, de lui demander de vider une bouteille ou quoi, sûr on leur tombe dessus.
Ça y est, ils chargent, on reste ensemble, on recule mais pas trop, capuche, cagoule, c’est parti, les canettes volent, les hurlements « enfoiréééééééééées ! », on se marre. Le jeu dure des heures, nous, ce qu’on désire c’est garder la rue la nuit, on ne veut pas se quitter à une heure lorsque les bars ferment. On ne veut pas dormir, on veut ce risque et le plaisir de voir une canette exploser sur son casque.
Mais ils ont raison de ne pas nous laisser la rue car on la leur rendrait méconnaissable, comme le soir où les Bérus sont venus jouer dans une salle en ville pendant les trans-musicales et où tous les punks de France s’étaient réunis pour forcer l’entrée sans payer. Certains ont réussi, mais c’était tellement moins drôle d’être dedans au chaud pendant que ça fightait dehors qu’on est ressorti !
C’était ça les jeudis soirs rennais en 2003-2004.
Le mardi 7 mars, la journée débute par une manifestation de plus de 10 000 personnes effectuant un trajet de la gare… à la gare. Au cours de la manifestation, une partie du mobilier d’une agence d’intérim est déménagé et rendu à l’usage de la rue. Peu après, et ce malgré les appels à rentrer chez soi de certaines tendances du mouvement, quelques groupes enfoncent les barrages du service d’ordre et permettent à un bon millier de personnes de s’engouffrer dans la gare et d’y occuper les voies pendant plus d’une heure avant d’être délogés par plusieurs charges de CRS. Les manifestants (pour l’essentiel des étudiants et des lycéens) ripostent par quelques jets de canettes et de pierres et un chariot. Des étoiles sont ainsi inscrites dans la morne façade post-moderne de la gare. Les affrontements se poursuivent autour de la place de la gare jusqu’à la dispersion des plus déterminés.
Le jeudi 9 mars après midi, nouvelle manifestation réunissant 5000 personnes, pour l’essentiel des lycéens et des étudiants. Jets de peintures sur différentes agences (immobilier, intérim, assurances…) et déménagements du mobilier (quatre dont une ANPE cadres) et ce avec le soutien de la commission action de Rennes II. Vers 17h, un cortège non domestiqué se rassemble peu à peu place de la République et décide de se rendre au siège local de l’UMP. De 400 à 800 personnes (dont une grande part de lycéens) prennent à partie pendant plus d’une heure les quelques dizaines de gendarmes mobiles postés là : à coup de canettes, mais aussi de pierres et de fusées de détresse.
L’inexpérience des manifestants permet aux forces de l’ordre d’attendre que les émeutiers n’aient plus de projectiles pour les disperser et tenter de les encercler sur la place de Bretagne.
Plusieurs arrestations ont lieu. Des condamnations tombent pour l’un d’entre eux : 105 heures de TIG (Travail d’Intérêt Général) pour détention de barre de fer et pour un autre : une peine de sursis et une interdiction de manifestation pour un de jet de canette, accusation qu’il niera. Le soir, une manifestation de nuit est organisée par l’AG de Rennes II qui réunit selon les différents moments entre 200 et 500 personnes. Le cinéma Gaumont sur les quais de la Vilaine est quelque peu chahuté, ses séances de fléaux pour la sensibilité commune (du cinéma) sont interrompues. Mais la tension de l’après-midi et l’absence d’orientation précise du cortège (un point de fixation avec les forces de l’ordre) empêchent les manifestants d’entamer leur disposition à l’impuissance, laquelle a entre autres raisons le sentiment erroné mais diffus de l’invincibilité policière.
Le lundi 13 mars, une assemblée générale était convoquée, dont le principal objet était la reconduction du blocage. Plus de 5000 personnes y furent présentes. Le vote à main levée a permis de dégager une nette majorité d’étudiants favorable à la poursuite du blocage jusqu’au lundi suivant. Cette même assemblée, face à l’organisation d’un vote avec carte d’étudiants par la présidence de l’université, a décidé non pas de boycotter ce nouveau vote mais de l’empêcher. Deux cents étudiants se sont alors rendus en direction des files d’attentes et ont barré l’accès aux anti-grévistes. Bousculades, quelques coups de poing et de tête ont été échangés, ce qui a décidé la présidence dans une belle confusion à reculer et à demander la dispersion des anti-grève et de quelques grévistes fort nombreux venus faire la queue pour voter avec leur idée mal conçue de la démocratie.
Mardi 14 mars, la manifestation est partie de la gare vers l’usine Gomma, en soutien aux ouvriers licenciés ou reclassés. En route, des actions de déménagement étaient prévues. Elles ont échoué parce que, d’une part, la plupart des bâtiments ciblés avaient anticipé en fermant leurs portes et d’autre part, du fait d’un service d’ordre lycéen et de Rennes I peu enclin à favoriser ce genre d’actions, alors que le service d’ordre de Rennes II y participait et avait été rebaptisé à cette occasion « service d’action ». Baptême qui signale que le service d’action n’est plus ce qui empêche les « débordements » mais ce qui protège les manifestants actifs, des policiers en tout genre et des journalistes. Tout de même, quelques vitrines ont été recolorées et une petite autoréduction dans un Marché plus a permis de récolter quelques œufs-munitions. (Journalistes et RG n’ont pas été épargnés.) Un feu de palettes a agrémenté notre arrivée à l’usine de Gomma, avant que nous envahissions la rocade pendant une bonne heure. La manifestation s’est peu à peu dissoute en route vers la préfecture où les affrontements n’ont été que du regard.
Jeudi 16 mars, vers 11 heures, la mairie a été prise d’assaut par une centaine de manifestants, pendant qu’un cortège s’ébranlait pour un petit tour. Nous nous étions mis d’accord pour tout barricader. Les trois policiers municipaux présents ont été contraints de sortir par la fenêtre. Deux heures plus tard, les CRS chargeaient à coups de matraques et balançaient quelques lacrymos. Dix minutes plus tard, le cortège arrivait à la mairie : il aurait pu arriver plus tôt pour défendre les occupants de la mairie comme le réclamait la situation, cette action ayant été votée en AG, mais les casseurs de mouvement de l’UNEF n’ont pas daigné dévier la manif et ont même empêché que cela soit possible. On leur en veut même pas tellement ils sont dépassés par tout ce qui se passe. À 15 heures, une manifestation sauvage, sans service d’ordre ni présence syndicale officielle, s’est dirigée vers l’UMP. Les affrontements ont immédiatement commencé. Nous étions assez mobiles et plusieurs feux de poubelles sont venus bloquer la circulation. Quelques vitrines ont souffert ainsi que quelques gardes mobiles. La BAC arrivait par-derrière ou sur les côtés et tirait au flashball à bout portant sur les derniers manifestants fuyant les gaz, afin de les interpeller.
À 19h30, il y eut une trêve. Un nouveau rendez-vous fut fixé pour 21 heures. Place de la mairie, plusieurs centaines de personnes se regroupent et partent dans les rues tout d’abord silencieusement puis aux cris de « Révolution sociale et libertaire ». Les slogans stupides « Non non non au CPE ! Oui oui oui à plus de CDI ! » ne semblant pas duper quiconque dans la manifestation. Un bon millier de personnes (lycéens, étudiants, gens de divers quartiers, flics en civils) finit par s’agréger au cours de la déambulation. Quelques pierres dérapent sur des vitrines de Petites pourvoyeuses de Misère Existentielle (intérim, banques, assurances…). Quelques faibles protestations, cherchant à diviser le mouvement, se font entendre, utilisant le registre de la LQR « La violence, c’est pas bien…[ou] vous décrédibilisez le mouvement ». Elles ne trouvent aucun écho auprès des manifestants. Le cortège se présente enfin, vers 23 heures, rue des Fossés près de la préfecture de région. Des jets de pierre et de cocktails molotov affichent de manière « lisible et crédible » la détermination des manifestants face à la police. Des grenades lacrymogènes divisent et repoussent les manifestants pour une part vers la rue de Toulouse et pour une autre part en direction des quais. Quelques minutes suffisent pourtant aux manifestants pour se regrouper place du Parlement : une barricade est érigée rue Victor Hugo à l’aide d’une voiture et de poubelles. Des kaïras invitent alors les étudiants à se joindre à eux en première ligne aux cris de « Eh ! les révolutionnaires, venez !!… » L’alliance entre les émeutiers de novembre et les étudiants devient alors effective. Les flics essuient à nouveau des jets de pierre. Des grenades lacrymogènes renvoient les manifestants au point de départ. Des projectiles de toute nature (pavés, bouteilles, engins incendiaires…) sont lancés en direction de la précédente place où sont retranchés les gardes mobiles. La mairie, siège du manager municipal est prise pour cible, quelques banques, diverses enseignes de soumission marchande sont attaquées. La police redouble d’efforts pour disperser les manifestants, ceux-ci se regroupent place de la République, il est environ 1h30. Les émeutiers sont maintenant moins nombreux, il reste peut-être les plus joyeusement irréductibles qui se rassemblent sur les quais en direction du musée des Beaux-Arts. Des affrontements ont encore lieu jusqu’à 4 heures du matin, heure à laquelle la police lève le camp. Ou plus exactement, la rue lui est désormais laissée.
Samedi 18 mars, la manifestation interprofessionnelle débute à 11h30. Trajet : de la gare à la gare. À l’arrivée, comme la semaine précédente, un service d’ordre inter-syndical protège avec la police l’entrée de la gare. Il se relâche au bout d’un quart d’heure, ne voyant aucune intention de la part des manifestants d’y pénétrer. Ensuite, au moment où un syndicaliste, muni d’un mégaphone, annonce qu’il faut constituer un bureau pour commencer l’AG interpro prévue sur la place de la gare, une fanfare se met à jouer et par sa puissance magique, emmène les manifestants sur les rails. Nous y resterons une heure. Cette fois-ci, nous en sommes sortis tout seuls pour anticiper la charge et les gaz des gardes mobiles afin de les affronter dans la rue, lieu plus propice. Une seconde manifestation s’est constituée sans service d’ordre, sans leader, sans trajet. Les services de police quelque peu désorientés bouchaient toutes les rues donnant accès à la préfecture. Nous nous sommes alors dirigés place de Bretagne. Dix pacifistes ont tenté une opération hostile au mouvement, en criant : « Les casseurs dehors, les casseurs tout seuls » et ont tenté d’emmener le cortège ailleurs. Personne ne les a suivis. Des slogans leur ont répondu, tels que « Nous faisons la guerre au capitalisme, nous n’sommes pas des pacifistes » ou « Nous sommes tous des casseurs ». Cinq minutes plus tard, l’ensemble des manifestants, y compris les pacifistes, se dirigea à quelques pas de là vers l’UMP, où des affrontements commencèrent par une charge des manifestants à coups de bouteilles et de cailloux. Rapidement, les forces de l’ordre ont répondu par des gaz et des tirs de flashball. Un pacifiste a été touché à la jambe. Des vitrines ont été étoilées, un RG chassé. Les gardes mobiles ont tenté en masse un encerclement qui a scindé les manifestants en groupes épars. Jusqu’à 20h30, des regroupements se sont formés à de multiples reprises, attaquant et se dispersant à nouveau. Le bitume a fondu sous la chaleur des poubelles en feu, le sol était jonché de palets lacrymogènes, de bouteilles brisées et de cailloux, un peu partout en ville. Ces derniers jours ont marqué l’impossibilité pour les médias, les bureaucrates et les voix de l’ordre établi, de diviser le mouvement en « casseurs » d’une part et « étudiants » d’autre part. Car comment masquer le fait que les affrontements concernent des milliers de personnes ? Et ce depuis plusieurs semaines à Rennes ? Ici, il n’y a plus de manifestation sans affrontements et actions. Un principe d’une action au moins par manifestation a même été voté par l’AG de Rennes II. La cagoule, l’écharpe, le citron, le sérum physiologique, le caillou, deviennent les objets communs d’un nouveau monde. Des manifestants s’organisent en groupes et chargent ce qui a trait à la police et certaines cibles liées à l’existence métropolitaine. Une communauté de lutte est née (qui n’est pas sans luttes internes) qui s’organise au sein de l’hostilité policière de la métropole. Et ce qui anime cette communauté se situe déjà bien au-delà du simple CPE.
Paru sur Indymedia Nantes, le 20 mars 2006
Les grévistes de Rennes II sont unis en tant qu’ils considèrent que la grève avec blocage de l’université est pour ceux qui y étudient la condition sine qua non d’une lutte contre le CPE ; non que cela suffise, mais cela libère le temps et l’énergie sans lesquels il n’y aurait pas de lutte, mais une simple divergence d’opinions.
Ils sont également unis en tant que pour eux la grève avec blocage est le seul moyen de provoquer le débat politique sur le CPE en dehors des joutes oratoires feutrées des parlements. […]
Ce débat politique sur le CPE a permis de constater au sein du mouvement une forte tendance à ne pas se satisfaire de slogans tels que « non au CPE, pour plus de CDI », qui suggèrent que le CDI serait en soi un contrat équilibré. […] Nous considérons que rejeter une réforme qui aggrave nos conditions de vie ne doit pas signifier la valorisation unilatérale de l’état des choses préexistant.
On nous parle de prudence, nous disant qu’il ne faut pas effrayer « la grande masse des gens ». Pourtant, la grande masse vit quotidiennement la réalité du CDI. Lui faudrait-il cesser de lutter, de faire grève, sous prétexte qu’elle jouirait de privilèges auxquels tous les précaires rêveraient d’accéder ? On connaît ce raisonnement, c’est celui par lequel on combat la révolte en prétendant que seul le pire la justifie, et que le pire est toujours ailleurs. […]
L’épuisement, nous ne le connaissons pas. La liberté n’est pas épuisante, mais exigeante. Nous sommes contre le CPE parce qu’une certaine idée de la précarité nous est chère ; pas celle des tracasseries quotidiennes pour trouver et conserver un emploi plus ou moins désagréable mais toujours subordonné à la nécessité de se vendre comme force de travail pour survivre ; mais la précarité de l’existence et de la pensée que ne vient garantir nulle autorité à laquelle se soumettre, nulle communauté à laquelle appartenir, famille, entreprise ou état. Qu’on ne voie là nulle célébration libérale de la « mobilité », cette liberté d’aller d’expérience en expérience ; au contraire, puissants sont nos attachements, et c’est parce que nous ne voulons pas d’une joie garantie durable qui se marchande à coups de renoncements quotidiens et que nous savons que cette joie de lutter ensemble a pour fond la politique, la discorde, la fragilité des règnes, que nous assumons la précarité comme la vérité de notre condition. […]
La question de subvenir à nos besoins devient alors une question collective : celle de constituer entre nous des rapports qui ne soient pas des rapports d’exploitation contractuelle. Et de faire que ce nous ne soit pas celui d’un groupe restreint, mais le nous de l’affirmation révolutionnaire.
Tendance gréviste ni CPE ni CDI.
issu de la tendance « Ni CPE ni CDI », écrit sur la fin du mouvement anti-CPE à Rennes.
(extrait)
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« 3. Puisque le mouvement continue – que se constitue, sous de multiples formes, une coalition de forces qui partagent la visée encore confuse, mais qui s’impose, de l’insurrection * – l’existence du comité de lutte est ici à cet égard la mise à l’épreuve d’une hypothèse précise : qu’il n’y a pas, qu’il ne peut y avoir de retour à la normale (et tout particulièrement dans le monde universitaire) après la profonde déchirure qui s’est ouverte au cours des six derniers mois. Que c’est maintenant au cœur de la vie quotidienne, dans ses matérialités, que doit se poursuivre le conflit entre les politiques libérales et nos aspirations insurrectionnelles. Que cela doit à nouveau prendre la forme d’une lutte (dont la spécificité pourtant ici ne doit pas être un carcan – à l’instar du CPE – et ne doit rien laisser à l’abri), d’une reprise de l’offensive, qui ne se contente ni d’un resserrement groupusculaire, ni d’un dégagement communautaire et ne vise surtout pas à « rassembler les militants » sur les bases confortables d’une opposition verbale – c’est-à-dire en deçà du blocage économique – à l’ordre existant. »
* L’insurrection devient la question là où l’intensité des luttes politiques tend à rendre ingouvernables de vastes zones du territoire.
Quand, en début d’année 2006, le gouvernement de Villepin présente son projet de loi dite « d’égalité des chances », avec sa mesure phare du « Contrat Première Embauche » qui vise à favoriser l’embauche des jeunes en abaissant les contraintes légales pour (...)