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Un Centre Social Ouvert et Autogéré

Toulouse – printemps 2004

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Le Chœur ion du texte
présentation du texte  

Si l’on chausse pour un temps les lunettes et les gros sabots de l’économiste, les études universitaires se révèlent avoir pour principale vocation de faire baisser le chiffre du chômage, en retardant l’arrivée des bacheliers sur le marché de l’emploi moyennement qualifié. Sur le plan existentiel, ce temps, suspendu pour quelques années hors de portée des dispositifs de capture que sont les identités d’enfants/adolescents et de travailleurs, est souvent vécu comme le temps de la liberté ; liberté dont la rançon est, outre une relative précarité économique, la promesse secrète mais ferme que tout cela devra bien finir un jour.

Derrière l’apparente diversité des formes de vie qu’elle autorise (on peut être tout aussi bien artiste, sportif, militant d’extrême-gauche, chef d’entreprise dans une start-up, héroïnomane, etc.), la condition étudiante se caractérise toujours par une certaine volatilité. Inconsistance autant que disposition au bouleversement, elle est plus que toute autre condition sociale à la fois point de commencement et limite immédiate d’un devenir révolutionnaire.

Les récits qui suivent, qui content à deux voix une histoire continue, exposent combien le dépassement de cette condition se présente d’abord comme une nécessité quand il s’agit de ne pas laisser retomber un mouvement, puis comme une difficulté quand il s’agit de le prolonger par une expérience de squat politique, avec quelques beaux principes pour seuls bagages.

Désertion Trajectoires I - 1999-2003 – Savoir-faire Fêtes sauvages Trajectoire II - 2003-2007 – La folle du logis Habiter Trajectoires III - 2007-2010 Hackers vaillants Intervenir Trajectoires IV - 2010-2013 S’organiser sans organisations

Désertion

  • Incipit vita nova
  • Odyssée post-CPE
  • Y connaissait degun, le Parisien
  • Fugues mineures en ZAD majeure
  • Mots d’absence
  • Tant qu’il y aura de l’argent

Trajectoires I - 1999-2003 – L’antimondialisation

  • Millau-Larzac : les coulisses de l’altermondialisme
  • Genova 2001 - prises de vues
  • Les points sur la police I
  • Les pieds dans la Moqata
  • OGM et société industrielle

Savoir-faire

  • Mano Verda - Les mains dans la terre
    • Les pieds dans les pommes
    • Agrisquats – ZAD et Dijon
    • Cueillettes, avec ou sans philtres
      • Récoltes sauvages
      • Correspondance autour des plantes et du soin
      • Des âmes damnées
  • Interlude
  • Devenirs constructeurs
    • Construction-barricades-occupation
      • 15 ans de barricadage de portes de squats
      • Hôtel de 4 étages VS électricien sans diplôme d’État
      • Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
    • Constructions pérennes–installations agricoles
    • Maîtrise technique
      • Chantiers collectifs
      • Apprentissage et transmission du savoir
      • Outils et fabrique
    • Gestes et imaginaire

Fêtes sauvages

  • Prélude
  • Faire la fête
    • Entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
    • Communautés des fêtes
      • Suite de l’entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
      • Carte postale : Italie – La scherma
  • Éruption des fêtes sauvages
    • La fête prend le terrain : un jeu avec les autorités
      • Carnaval de quartier
      • Une Boum de gangsters
      • Compétition d’apéros géants 2009-2011
    • La fête garde la main : s’affirmer, revendiquer, s’imposer
      • Free Parties : génération 2000
      • Les karnavals des sons
      • Carnaval de la Plaine
    • La finalité des fêtes
      • Street parties : Making party a threat again…
      • Carte postale : La Guelaguetza d’Oaxaca
  • Le sens de la fête
    • Fêtes et créations d’imaginaires
      • L’imaginaire des nuits du 4 août 2011
      • Vive les sauvages !
    • Quand l’imaginaire devient tradition, coutume, culture
    • Jusqu’au bout de la fête
      • Le Banquet des nuits du 4 août
      • Ivresse, transe et Petassou

Trajectoire II - 2003-2007 – Emportés par la fougue

  • Trouver une occupation
  • Un Centre Social Ouvert et Autogéré
  • CPE, le temps des bandes
  • Les points sur la police II

La folle du logis

  • Prélude
  • Retour vers le futur
  • Mythes de luttes
    • Entretien de Wu Ming 5 et Wu Ming 2
    • Intervento
  • Figures, héros et traditions
    • Lettre à V pour Vendetta
    • Survivance
    • Entretien avec La Talvera
  • Fictions politiques

Habiter

  • Les 400 couverts à Grenoble
    • La traverse squattée des 400 couverts
    • Le parc Paul Mistral
  • Vivre en collectif sur le plateau de Millevaches
  • Nouvelles frontières
  • Matériaux pour habiter

Trajectoires III - 2007-2010 – C’est la guerre

  • la France d’après… on la brûle
  • Serial sabotages
  • Fatal bouzouki
  • La caisse qu’on attend…
  • Les points sur la police III

Hackers vaillants

  • Lost in ze web
  • Ordre de numérisation générale
  • pRiNT : des ateliers d’informatique squattés
  • Et avec ça, qu’est-ce qu’on vous sert ?
    • imc-tech
    • Serveurs autonomes
  • Logiciels libres
    • Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
    • Logiciels : de l’adaptation à la production
    • Et si le monde du logiciel libre prenait parti ?
  • Hackers et offensive
    • Entretien avec sub
    • Pratiques informatiques « offensives »
  • Post scriptum
  • Chronologie

Intervenir

  • Prélude
  • Le marteau sans maître
  • Énonciation et diffusion
  • Féminismes, autonomies, intersections
  • Ancrages - Les Tanneries, 1997 - 20..
  • Rencontres avec le monde ouvrier
    • Une hypothèse
    • Aux portes de l’usine
  • Mouvements sociaux
  • Composition - indignados et mouvement du 15M

Trajectoires IV - 2010-2013

  • Charivaris contre la vidéosurveillance
  • Hôtel-refuge
  • A sarà düra Voyage en Val Susa
    • Récit de voyageurs lost in translation…
    • La vallée qui résiste
  • Les points sur la police IV
  • Une brèche ouverte à Notre-Dame-des-Landes

S’organiser sans organisations

  • Extrait d’une lettre de G., ex-syndicaliste
  • Solidarités radicales en galère de logement
  • Une histoire du réseau Sans-Titre
  • Un coup à plusieurs bandes
  • Les assemblées du plateau de Millevaches
  • S’organiser dans les mouvements barcelonais

Avant l’ouverture il y eut plusieurs réunions pour définir le projet, j’imagine que c’est là que s’est décidé le nom : CSOA. Je suis sûre que pour beaucoup d’entre nous « centre social » ne faisait pas référence à une pratique de luttes passées mais plutôt aux centres médico-sociaux de la mairie, le médico en moins, l’autogéré en plus. Ce nom, CSOA, avec son O d’ouvert et son A d’autogéré, a beaucoup joué dans ce qui s’est vécu là.

J’y pense maintenant, il y avait un projet papier issu des réunions d’avant l’ouverture. La route était toute tracée : bagagerie, friperie, lieu « d’accueil » de gens dans le besoin, activités culturelles et variées… ça te plante un décor. L’imaginaire, la pensée, ne sortiront plus de ces sentiers balisés. Abîmes et failles du « projet » comme départ du faire ensemble.

Les luttes autonomes italiennes où « le centre social » avait toute une densité, ne nous avaient pas été transmises. Comme ça aurait été merveilleux de voir ensemble l’Intervento ! Nous n’étions pas riches de ces histoires-là et très pauvres de mots pour dire, pour partager. Je me rappelle cette sensation d’urgence à vouloir trouver des filiations, des étiquettes, des sigles – libertaires, antiautoritaires, autonomes – qui nous aideraient à appréhender ce monde et ce que nous vivions ensemble. Nous faisions feu de tout bois, chaque discussion, petit bout de lecture étaient avidement captés, digérés et amalgamés. Sans histoire, porteurs de ce trou immense à l’intérieur, impartageable, cela se traduisait par des logorrhées, écritures fleuves, théories de complot en tout genre, drôle de cocktail avec les pétards en sus.


En grande majorité nous venions de la fac du Mirail, les luttes de l’année précédente avaient créé les espaces et les conditions d’une expérience commune. L’organisation du contre-sommet d’Évian avait également réuni beaucoup d’entre nous. L’autogestion était un mot-clef, cela voulait dire : pas de chef, tout le monde fait tout, le travail salarié vient détruire la possibilité d’une organisation collective, il est donc mauvais en tant que dispositif.

Il y avait, et je me répète, la difficulté de porter une parole sur ce monde qui nous emplisse, qui nous nourrisse, une prise qui permette de tenir et de voir plus loin. Mais ce qui est sûr aussi c’est que tout d’un coup on partageait un quotidien, on se sentait exister dans une collectivité et ça c’était pas rien : les travaux, la popote, les objets de nos maisons et de la récup’ devenaient collectifs. Joie et trésor de la déchetterie, accès libre aux poubelles de toute une ville, outils, peinture, meubles, ordinateurs rebricolés pour faire des bécanes sous logiciel libre. Bon, je n’ai jamais mangé autant de kebabs qu’en ces temps-là, c’était pas encore ça la mise en commun et l’organisation qui va avec, mais on s’y frottait.

Ce n’était pas le projet « centre social » qui nous bouleversait le plus, mais bien cette brèche dans le cours normal de nos vies. Cette brèche, je l’ai ressentie très fortement dans la transformation de l’espace de la ville : changement des parcours, errance habitée-reliée, rencontres-signes, le délire n’était pas loin, sensibilité exacerbée. Ce n’était plus la marchandise qui guidait mes trajets dans la ville, mais une multiplicité d’autres choses. Je n’ai jamais plus ressenti cette autre Toulouse avec autant d’intensité. Cet espace, personne ne nous l’avait destiné, il n’était pas pensé par d’autres, il n’était pas géré, on pouvait se l’approprier. Entre deux utilisations assignées, deux projets d’aménagements, il y a eu une vacance que nous avons habitée.

Cet état d’orphelins d’un passé de conflits, de ruptures, était renforcé par le fait que nous n’avions pas cherché à être en lien avec des squats plus anciens et le milieu qui les faisait vivre. De leur côté, je ne me rappelle pas de gestes permettant la rencontre. Nous étions trop à fleur de peau et bouillonnants pour nous rapporter à un milieu déjà figé dans des pratiques, des codes. Et quand « rencontre » il y eut, ce fut en pleine crise et pétage de plombs général, quand illes tentèrent tant bien que mal de nous donner la main. Une rencontre en négatif, difficile de partager quoi que ce soit dans un tel moment. Je trouve triste d’être dans l’incapacité de faire communauté, d’inclure des pratiques dans une histoire. Aujourd’hui encore la question des dispositifs sclérosants générés par un milieu est toujours aussi présente.

Tout ça m’amène à essayer de dire de quelle manière distanciée, légère nous envisagions d’accueillir « des personnes en difficulté » et l’impasse dans laquelle nous sommes tombé.e.s. Le préalable que nous partagions était de ne pas vouloir nous positionner comme « travailleurs sociaux ». Ce rôle, ce métier qu’on associait à la gestion de la vie des autres. Ce qu’est un travailleur social, dans quel dispositif de police et de gestion il s’inscrit, ce que ça crée pour les « usagers des services sociaux », n’a pas été questionné collectivement. Et si notre analyse de cette figure n’allait pas plus loin, on n’avait pas non plus pensé celle de l’étudiant-apprenti-squatteur. Et puis c’était facile de se défaire d’une figure que de toute façon on n’avait pas les moyens d’incarner. Nous ne voulions pas aider, mais en même temps nous ne portions pas d’intentions, de gestes. Dans ce brouillard, social était synonyme d’ouverture, tout le monde était le bienvenu, il fallait justifier notre raison d’être en faisant venir du monde. « Du monde », il fallait « du monde » en soutien, « du monde » qui habitait là, sinon on ne pouvait pas prétendre être un centre social. Dans la même veine, il fallait « des activités », n’importe quoi, pourvu que le planning se remplisse. Toutes les démarches juridiques qu’impliquait l’occupation ont en partie généré cette course au chiffre. On ne sort pas indemne d’une démonstration de légitimité : avocat, lettre de soutien, article de presse comme autant de marquages.


On ne savait pas ce que nous voulions partager les un.e.s avec les autres. Nous n’étions donc nulle part. L’hypothèse que le seul fait d’habiter ensemble, aussi avec des gens de la rue, d’avoir une cuisine commune, une bagagerie et une machine à laver, nous amène autre part, ne pouvait tenir sur du vent. Je ne dis pas qu’en d’autres circonstances quelque chose n’aurait pas pu naître de cette volonté de vivre entre personnes qui ne partagent pas les mêmes réalités mais qui peuvent se trouver des ennemis communs, des points de rencontres. Où était la part du grand frisson, de l’exotisme pour nous ?

On savait que cela n’allait durer qu’un temps, même si on n’y pensait pas, ou alors on se barrait en claquant la porte pour retourner dans le chez-soi qu’on avait toujours. Je me souviens d’un gars qui avait déserté l’armée, il était là, je sais pas ce qu’il est devenu après, est-ce qu’il avait un endroit où aller pour pas se faire choper ? On n’a même pas été capable de trouver une solution commune. Est-ce qu’on s’est même posé la question ensemble ? Pour une autre, en rupture avec sa famille, heureusement qu’il y avait des personnes plus conséquentes parmi nous ; elle a été accueillie chez la mère de quelqu’un, initiative isolée. Ce n’est donc pas trop étonnant que des gens aient profité de ce flou pour faire du lieu un point de revente et de consommation de drogues. C’était commode, au centre-ville, il n’y avait qu’à s’installer. Je ne sais pas à quel moment le lieu a commencé à être déserté, à quel moment c’est devenu un endroit à la dérive, un lieu d’errance. Nous avons dû mettre à la porte certains « indésirables », le malaise que ça a provoqué a mis en exergue le vide entre nous devenu insoutenable.

Cela me mène à parler d’une autre expérience actuelle qui, mis à part la ville et le nom, n’a pas grand-chose en commun avec celle du CSOA : le CREA et le GPS [1]. Ce qui me saute aux yeux, c’est comment ils sont partis de ce qu’ils étaient : travailleur-euses du social, squatteur-euses et de ce qu’ils pouvaient s’apporter en expériences comme en désaccords. Je me demande ce que pourra bien leur évoquer cette lettre. Ça fait partie de ces expériences riches de ces dernières années qui ont dépassé des blocages et qui amènent tout le monde plus loin dans ces questions d’habitat, de précarité, d’inégalités.

Je voudrais finir sur l’après qui ressemble évidemment à ce qui s’est passé durant ces deux mois d’occupation. Certains se sont trouvés et partiront sur d’autres histoires communes, d’autres (beaucoup ?) restent dans un vague, une indécision, certains pour qui à la fois ça a pu faire rupture et qui finalement restent sur le carreau. Sans s’être vraiment trouvé pendant, on ne pouvait se retrouver après. Reste que cette expérience, en bouleversant le quotidien, a bouleversé aussi nos rapports au monde (notamment la remise en question du sentiment de stabilité), et que personne n’en est ressorti indemne.

P.S : Je semble dire qu’on avait des positions collectives énoncées, c’est un effet de l’écriture, c’est moi qui ai construit des positions à partir de ce que je me raconte de cette histoire-là. On n’a pas beaucoup parlé ou reparlé de tout ça.

[1] Le Collectif pour la Réquisition, l’Entr’aide et l’Autogestion (CREA) et le Groupement pour la Défense du Travail Social (GPS) ont été très actifs sur Toulouse depuis 2011, ouvrant plusieurs lieux de vie, squattés, pour des personnes en galère de logement.

Si l’on chausse pour un temps les lunettes et les gros sabots de l’économiste, les études universitaires se révèlent avoir pour principale vocation de faire baisser le chiffre du chômage, en retardant l’arrivée des bacheliers sur le marché de l’emploi (...)

À voir

Trouver une occupation
Intervento
Hôtel-refuge

Trouver une occupation

Si l’on chausse pour un temps les lunettes et les gros sabots de l’économiste, les études (...)

CPE, le temps des bandes

Quand, en début d’année 2006, le gouvernement de Villepin présente son projet de loi dite « (...)

Témoignages

Charivaris contre la vidéosurveillance
La plaine, Marseille
Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
Dijon, 2005
Mots d’absence

2004

Intervento
Sur la route avec l’autonomie italienne
Le parc Paul Mistral
résistance à la construction d’un stade, Grenoble
Interlude
Sérigraphie

Constellations

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AGENDA
De nouvelles dates à venir bientôt.
CONSTELLATIONS

Borroka ! Désormais disponible en librairie


Cet abécédaire du Pays basque insoumis a été rédigé en vue du contre-sommet du G7 qui se tiendra en août 2019 à Biarritz. Il a été pensé comme une première rencontre avec un territoire et ses habitants. Car le Pays basque n’est ni la France au nord, ni l’Espagne au sud, ou du moins il n’est pas que l’Espagne ou la France. On s’aperçoit en l’arpentant qu’y palpite un monde autre, déroutant : le monde en interstices d’un peuple qui se bat pour l’indépendance de son territoire. Borroka, c’est la lutte, le combat, qui fait d’Euskadi une terre en partie étrangère à nos grilles d’analyse françaises. C’est de ce peuple insoumis et de sa culture dont il sera question dans cet ouvrage.
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