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Ce banquet, il était révolutionnaire ! Tu ne fais pas cadeau de six cents repas à une foule, quand t’es juste une bande de copains. Y’a un truc, forcément. Au début, on avait fait un budget, comme pour le cinéma, les conférences… Et puis on s’est dit qu’il fallait qu’on s’organise autrement pour qu’il n’y ait pas de barrières, surtout pas celles de l’argent qui pouvaient faire reculer des gens. Mais ça coûtait quand même quelque chose… alors comment organiser ça ? D’abord, on avait pensé au prix libre puis à l’auberge espagnole. Mais ça n’allait pas, on n’offre pas une auberge espagnole ! On s’était basé sur quatre cents personnes, du coup on a décidé qu’il faudrait vingt personnes qui chacune s’engagerait à faire un plat pour vingt personnes.
C’est rien du tout de faire à manger pour vingt personnes, ça arrive dans la vie courante. Ensuite vingt personnes qui s’engagent à faire deux tartes. Au final, c’était rien ! Moi, je pouvais m’engager à faire une daube pour vingt et deux tartes. C’était une après-midi de boulot, et peu d’argent. On a décidé un plat unique : un ragoût d’agneau, avec une recette écrite pour qu’on puisse mélanger le tout après. Et finalement le résultat était magique.
Devant l’école, chacun est arrivé avec sa grosse marmite pour vingt. On a pris une salle de classe et on a posé les tartes sur les pupitres des gamins. La salle était remplie de gâteaux. Moi ça m’a fait penser à Hansel et Gretel, la maison en pain d’épice quand ils arrivent dans la forêt. C’était tout à fait ça. Tu avais l’impression de replonger dans l’enfance, avec la magie des gâteaux, des desserts. Cette salle de classe, c’était un univers merveilleux. Le jour où il fallait, ça coulait tout seul, c’est arrivé, et c’était fait, c’est tout. Ensuite pendant le banquet, quand les gens étaient tous assis après s’être servis aux grandes gamelles, on a décidé de faire une noria de serveurs bénévoles pour leur servir le dessert. Ils étaient ébahis ! Y’a eu un moment de bonheur, tu sentais que les gens étaient heureux. Avec quelque chose de simple. Ils s’en foutaient de la tarte, ils étaient heureux de la situation. Moi, c’est ça que j’ai retenu du 4 août.
Donner, c’est perdre, bousiller, sans image économique. C’est jouer passionnément sa dénégation d’un monde ordonné par l’économie […] On mise sur l’infini, la réponse est l’ivresse des possibles. Jean Duvignaud
Les noceurs de la cambrousse : On a les mains (...)