Constellations

le site du collectif mauvaise troupe
Constellations, le livre Contrées - zad & No TAV Défendre la zad Saisons
Désertion Trajectoires I - 1999-2003 – Savoir-faire Fêtes sauvages Trajectoire II - 2003-2007 – La folle du logis Habiter Trajectoires III - 2007-2010 Hackers vaillants Intervenir Trajectoires IV - 2010-2013 S’organiser sans organisations
Accueil > Constellations, le livre > Fêtes sauvages > Éruption des fêtes sauvages > La fête garde la main : s’affirmer, revendiquer, s’imposer > Carnaval de la Plaine

Carnaval de la Plaine

Quand la coupe est pleine… Morceau d’entretien avec un organisateur historique (Marseille)

Parcourir le sommaire de "Fêtes sauvages" ainsi que tout le livre.

Le Chœur ion du texte
présentation du texte  

Le combat peut être une fête.
Jorge Luis Borges

Les noceurs de la cambrousse : Le maire de notre village, qui avait l’âge de se répéter, ne manquait jamais de nous réitérer ce ­conseil : « Qui tient la fête, tient la mairie ! » Et il est resté maire cinquante ans ! Alors nous autres, même si on s’en fout de la mairie, ça nous a quand même donné des idées. Ne serait-il pas possible d’opposer aux fêtes du pouvoir des fêtes de la subversion, des fêtes du désordre ? À cette période, l’idée nous effleurait que la véritable « éclate » des festivités pourrait être le moment du débordement, de l’affrontement, l’instant où le public se retourne contre les patrouilles et les barrières dont les festivités n’ont désormais de cesse de s’entourer (1). Pour toute notre génération qui a connu les gros festivals populaires, le flicage de la fête a été un vrai traumatisme. À la fin août 2000, nous étions au campement de la Tronquière en marge du festival de théâtre de rue d’Aurillac. On s’était fait réveiller matin par les flics pour une affaire de stupéfiants concernant certains de nos voisins. À l’époque, il y avait peut-être mille routards présents sur le site. Ça s’était castagné pendant une bonne heure sur le coup, et puis ça avait continué le soir en plein centre-ville. En cherchant sur Internet, on a retrouvé l’intervention de Jean-Marie Songy, alors directeur artistique du festival : « Ce n’est pas étonnant que l’attention de ce type de population se soit focalisée sur nous. Pour autant, ces communautés ne correspondent plus à ce qu’est le théâtre de rue. » Voilà, c’était déjà clair ! Il allait falloir nettoyer la place, se débarrasser de l’ivraie, du traveller et de ses chiens qui ne collaient pas avec l’officialisation croissante des spectacles, off compris. Un événement qui désire aujourd’hui rester dans les clous, dès qu’il grossit un peu, dévoile immanquablement les limites bien étroites de sa permissivité. Il doit se prémunir de tous les morceaux de spontanéité et de désordre. Cette « purge » crée une injonction paradoxale : on demande de la folie au public, du délire, de se laisser emporter… mais sans excès. De se désinhiber, mais tout en s’autorégulant. Ce double bind, ce hiatus, c’est ce qui, paradoxalement, peut te faire dégoupiller. Tu te dis, tant pis ! Plutôt l’affrontement, la bagarre, la confrontation avec les casqués que ce petit dressage en musique, cette interdiction de boire ta canette dans un square ou de fumer dans un bar alors qu’on t’annonce sur de grands panneaux lumineux que la fête est censée « avoir pris possession de la ville ». Et c’est encore plus vrai quand on parle de « nos » fêtes, celles qu’on organise et qui nous tiennent à cœur. Là ça devient une question de fierté, si on veut te les interdire, tu dois les défendre, à coups de poing si nécessaire, et ne pas toujours rentrer la queue basse en te disant : « bon ben si c’est interdit on va faire autre chose. » Si on veut que quelque chose de beau survive dans ce monde, il n’y a pas d’autre choix, va falloir aller au baston.


(1) Ce processus sautait déjà aux yeux de certains dans les années 70. On en retrouve le témoignage dans un texte de Guy Debord, « Sur l’incendie de Saint-Laurent-du-Pont » : lors de l’incendie d’une discothèque le 1er novembre 1970, périrent 146 personnes prises au piège dans les dispositifs anti-fraudeurs.

Désertion Trajectoires I - 1999-2003 – Savoir-faire Fêtes sauvages Trajectoire II - 2003-2007 – La folle du logis Habiter Trajectoires III - 2007-2010 Hackers vaillants Intervenir Trajectoires IV - 2010-2013 S’organiser sans organisations

Désertion

  • Incipit vita nova
  • Odyssée post-CPE
  • Y connaissait degun, le Parisien
  • Fugues mineures en ZAD majeure
  • Mots d’absence
  • Tant qu’il y aura de l’argent

Trajectoires I - 1999-2003 – L’antimondialisation

  • Millau-Larzac : les coulisses de l’altermondialisme
  • Genova 2001 - prises de vues
  • Les points sur la police I
  • Les pieds dans la Moqata
  • OGM et société industrielle

Savoir-faire

  • Mano Verda - Les mains dans la terre
    • Les pieds dans les pommes
    • Agrisquats – ZAD et Dijon
    • Cueillettes, avec ou sans philtres
      • Récoltes sauvages
      • Correspondance autour des plantes et du soin
      • Des âmes damnées
  • Interlude
  • Devenirs constructeurs
    • Construction-barricades-occupation
      • 15 ans de barricadage de portes de squats
      • Hôtel de 4 étages VS électricien sans diplôme d’État
      • Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
    • Constructions pérennes–installations agricoles
    • Maîtrise technique
      • Chantiers collectifs
      • Apprentissage et transmission du savoir
      • Outils et fabrique
    • Gestes et imaginaire

Fêtes sauvages

  • Prélude
  • Faire la fête
    • Entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
    • Communautés des fêtes
      • Suite de l’entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
      • Carte postale : Italie – La scherma
  • Éruption des fêtes sauvages
    • La fête prend le terrain : un jeu avec les autorités
      • Carnaval de quartier
      • Une Boum de gangsters
      • Compétition d’apéros géants 2009-2011
    • La fête garde la main : s’affirmer, revendiquer, s’imposer
      • Free Parties : génération 2000
      • Les karnavals des sons
      • Carnaval de la Plaine
    • La finalité des fêtes
      • Street parties : Making party a threat again…
      • Carte postale : La Guelaguetza d’Oaxaca
  • Le sens de la fête
    • Fêtes et créations d’imaginaires
      • L’imaginaire des nuits du 4 août 2011
      • Vive les sauvages !
    • Quand l’imaginaire devient tradition, coutume, culture
    • Jusqu’au bout de la fête
      • Le Banquet des nuits du 4 août
      • Ivresse, transe et Petassou

Trajectoire II - 2003-2007 – Emportés par la fougue

  • Trouver une occupation
  • Un Centre Social Ouvert et Autogéré
  • CPE, le temps des bandes
  • Les points sur la police II

La folle du logis

  • Prélude
  • Retour vers le futur
  • Mythes de luttes
    • Entretien de Wu Ming 5 et Wu Ming 2
    • Intervento
  • Figures, héros et traditions
    • Lettre à V pour Vendetta
    • Survivance
    • Entretien avec La Talvera
  • Fictions politiques

Habiter

  • Les 400 couverts à Grenoble
    • La traverse squattée des 400 couverts
    • Le parc Paul Mistral
  • Vivre en collectif sur le plateau de Millevaches
  • Nouvelles frontières
  • Matériaux pour habiter

Trajectoires III - 2007-2010 – C’est la guerre

  • la France d’après… on la brûle
  • Serial sabotages
  • Fatal bouzouki
  • La caisse qu’on attend…
  • Les points sur la police III

Hackers vaillants

  • Lost in ze web
  • Ordre de numérisation générale
  • pRiNT : des ateliers d’informatique squattés
  • Et avec ça, qu’est-ce qu’on vous sert ?
    • imc-tech
    • Serveurs autonomes
  • Logiciels libres
    • Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
    • Logiciels : de l’adaptation à la production
    • Et si le monde du logiciel libre prenait parti ?
  • Hackers et offensive
    • Entretien avec sub
    • Pratiques informatiques « offensives »
  • Post scriptum
  • Chronologie

Intervenir

  • Prélude
  • Le marteau sans maître
  • Énonciation et diffusion
  • Féminismes, autonomies, intersections
  • Ancrages - Les Tanneries, 1997 - 20..
  • Rencontres avec le monde ouvrier
    • Une hypothèse
    • Aux portes de l’usine
  • Mouvements sociaux
  • Composition - indignados et mouvement du 15M

Trajectoires IV - 2010-2013

  • Charivaris contre la vidéosurveillance
  • Hôtel-refuge
  • A sarà düra Voyage en Val Susa
    • Récit de voyageurs lost in translation…
    • La vallée qui résiste
  • Les points sur la police IV
  • Une brèche ouverte à Notre-Dame-des-Landes

S’organiser sans organisations

  • Extrait d’une lettre de G., ex-syndicaliste
  • Solidarités radicales en galère de logement
  • Une histoire du réseau Sans-Titre
  • Un coup à plusieurs bandes
  • Les assemblées du plateau de Millevaches
  • S’organiser dans les mouvements barcelonais

En 2007 on a eu un petit problème. D’une part, il y a eu une baisse de régime, on s’est reposés sur nos acquis en pensant qu’après sept ans sans interruption les gens allaient venir. En plus, on est tombé en période de vacances scolaires, la totale ! Cette année-là, le caramantran c’était l’incinérateur de Port-Saint-Louis qui était en train d’être construit. Comme caramantran, on a fabriqué une sorte d’usine avec des trappes où on plaçait des fumigènes pour que de temps en temps il y ait de la fumée qui sorte. Et on a eu l’idée d’inviter les gens du collectif anti-incinérateur à participer au carnaval. En fait ce sont des militants écolos de Marseille sans un grain d’humour qui sont venus, même pas déguisés, faire signer des pétitions, distribuer des tracts.

Là-dessus, en descendant la rue d’Aubagne à hauteur de Noailles, on tombe sur une équipe de tournage d’un film qui était en train de bâcher en voyant arriver la farine. On a failli avoir des accrocs avec eux. Sur ce, le carnaval se termine dans la bonne humeur. Mais le lendemain dans La Provence  [1], on constate un article putassier d’une demi-page : « Le carnaval de La Plaine-Noailles tourne à la manif anti-­incinérateur, en plus ils ont perturbé le tournage d’un spot publicitaire pour Nike.  » C’était ça en fait le film « qui, lui, faisait l’objet d’une demande d’autorisation. En plus dans les rues étroites de Noailles où les enfants sont en danger… ils remontent à la Plaine ils font du feu, les pompiers sont pas avertis… tout peut se passer… »

Comme on pouvait pas laisser passer ça, on leur a remis une lettre très humoristique, disant qu’on envoyait sans tarder un chèque de 12 euros 35 centimes au siège de la direction générale de Nike à New York parce qu’on ne voulait surtout pas compromettre l’exercice 2007 de cette compagnie et qu’on se sentait vraiment mal d’avoir perturbé le déroulement de leur spot publicitaire. Qu’on était très touché de les voir s’intéresser pour la première fois au quotidien des enfants de Noailles. Et on finissait en les remerciant d’avoir participé au groupe de réflexion du carnaval en nous suggérant par leur article quel serait le caramantran de l’année suivante : La Provence. Ce que nous fîmes l’année d’après.

[1] Principal quotidien de Marseille.

Le combat peut être une fête. Jorge Luis Borges
Les noceurs de la cambrousse : Le maire de notre village, qui avait l’âge de se répéter, ne manquait jamais de nous réitérer ce ­conseil : « Qui tient la fête, tient la mairie ! » Et il est resté maire (...)

Les karnavals des sons

Le combat peut être une fête. Jorge Luis Borges
Les noceurs de la cambrousse : Le maire de notre (...)

Street parties : Making party a threat again…

Les noceurs de la cambrousse : L’année passée, alors qu’ils relançaient pour la première fois la (...)

Témoignages

OGM et société industrielle
Limer les grilles de lecture
Et si le monde du logiciel libre prenait parti ?
Ivresse, transe et Petassou
Un noceur en vadrouille au carnaval des gueux de Montpellier

2007

la France d’après… on la brûle
Extrait d’une publication à numéro unique diffusée suite aux manifestations post-électorales de 2007.

Constellations

le site du collectif mauvaise troupe
AGENDA
De nouvelles dates à venir bientôt.
CONSTELLATIONS

Territoires en bataille 2018-2019


Avec cette nouvelle collection, nous proposons la rédaction et la diffusion de courts écrits donnant à voir et à sentir les dynamiques à l’œuvre dans différents espaces en lutte en Europe et dans le monde. Dans la veine du livre « Contrées » qui croise les expériences de la zad de Notre-Dame-des-Landes et du Val Susa No TAV, il s’agit de faire passer les frontières, notamment linguistiques, aux expériences de résistance ancrées dans des lieux singuliers. Les textes sont traduits en italien, anglais, basque... La voix des protagonistes structure les récits, à la recherche de l’art et de la manière d’interrompre le cours normal des choses, en quête des mille façons de faire entrer un bout de terre en sécession, de l’instant où les existences bifurquent et sortent des catégories établies ou encore des manières de s’organiser favorisant l’obtention de victoires. La circulation de ces textes concoure, nous l’espérons, à intensifier la compréhension, les liens et les solidarités entre et avec ces territoires en bataille. Car c’est bien moins d’une « convergence des luttes » dont nous avons besoin - qui suppose que celles-ci prennent une même direction pour se rejoindre en un point mystérieux - que de liens profonds et spécifiques entre chaque territoire, chaque situation singulière.


Nous écrire.