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Les premières mobilisations du mouvement tekno furent également les premières manifestations de la jeunesse contre Sarkozy (ministre de l’Intérieur depuis mai 2002). Ce constat ne pouvait pas laisser les milieux politiques indifférents. En 2003, des rencontres se matérialisent entre des collectifs venus de ces deux univers. À Marseille, en même temps qu’une grande manif officielle contre la guerre en Irak, les sounds systems organisent le 15 février le premier Karnaval des sons. Un nombre incalculable d’affiches sont réalisées autour des quelques slogans. De nombreux chars décorés participent et l’affluence augmente sensiblement, rapport aux rassemblements de l’an passé. On retrouve certains membres de ce collectif de son dans l’organisation quelques mois plus tard du Karnaval anti G8 de Toulouse. Lancé par un collectif issu des grèves de pions et d’étudiants, le CRAC-G8 cherche à publiciser le contre-sommet qui se tiendra en juin à Évian, en marge du G8.
Le jeudi 8 mai, les avenues toulousaines sont envahies par une grosse dizaine de chars partis de l’île du Ramier, avec à leur tête le camion du collectif sur lequel flottent d’énormes banderoles « Wanted », représentant les huit dirigeants des principales puissances mondiales. Derrière elles, un groupe de Ska Rock anime le plateau du camion, un peu écrasé par les basses des chars tekno qui le suivent. Ambiance jungle, batucada, tracts, et beaucoup de déguisements, la déambulation au pas de l’escargot tiendra la ville pendant neuf heures avant de revenir à son point de départ.
En fin de cortège, quelques jeunes de la cité du Mirail mixent du hip-hop et de la hard-tek sur une platine CD fixée au capot de leur R5. Pas au courant de l’événement, ils ont néanmoins rappliqué dare-dare avec tout leur matos sur la fin du parcours. Au même moment, à l’avant du défilé, des militants LCR du collectif, craignant qu’on ne leur barbote leurs talkies-walkies, tentent avec toute la mauvaise foi du monde d’éviter le passage du défilé dans le quartier populaire d’Empalot. En vain ! Les discours prévus finiront par passer un peu à l’as, difficile de se faire entendre, et peu l’envie non plus d’imposer des mots dans ce contexte très festif. Ce jour-là, la manifestation a définitivement viré du côté de la fête. De retour à l’île du Ramier, le camion d’un vendeur de saucisses qui croyait tenir l’opportunité de la semaine se fait dépouiller. Preuve qu’une certaine éthique de la fête libre et gratuite reste à fleur de peau.
Après un petit coup de gazage, les derniers motivés s’en vont poursuivre la fête à Pech David, sur les hauteurs de Rangueuil. Combien de personnes l’événement aura-t-il convaincu de venir défier le G8 à Évian ? Ce n’est peut-être déjà plus le propos. Y a-t-il eu une réelle rencontre entre mouvement politique militant et free ? Les suites peuvent en faire douter. D’un côté les karnavals des sons que le mouvement tekno perpétuera les années suivantes afficheront des couleurs moins politiques. De l’autre, l’actualité militante délaissera rapidement la répression des free pour de nouveaux chevaux de batailles. Il n’empêche que si les deux mouvements ne se sont peut-être pas mélangés, en revanche ce jour-là, c’était leur énergie commune qui faisait vibrer la rue, ce qui pour deux mondes aussi différents relevait déjà de la gageure.
Le combat peut être une fête. Jorge Luis Borges
Les noceurs de la cambrousse : Le maire de notre village, qui avait l’âge de se répéter, ne manquait jamais de nous réitérer ce conseil : « Qui tient la fête, tient la mairie ! » Et il est resté maire (...)