Constellations

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Désertion Trajectoires I - 1999-2003 – Savoir-faire Fêtes sauvages Trajectoire II - 2003-2007 – La folle du logis Habiter Trajectoires III - 2007-2010 Hackers vaillants Intervenir Trajectoires IV - 2010-2013 S’organiser sans organisations
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Une Boum de gangsters

Lettre d’un « boomeur du bitume » (alter ego urbain des noceurs de la cambrousse) écrite après un match fête-police enflammé dans la ville de Dijon

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Le Chœur ion du texte
présentation du texte  

Elle occupe provisoirement un territoire, dans l’espace, le temps ou ­l’imaginaire, et se dissout dès lors qu’elle est répertoriée. La TAZ [5] fuit les TAZs affichées, les espaces “concédés” à la liberté : elle prend ­d’assaut, et retourne à l’invisible. Elle est une “ insurrection” hors le Temps et l’Histoire, une tactique de la disparition.
Hakim Bey, TAZ (quatrième de couverture, L’éclat, 1997)

Les noceurs de la cambrousse : Il existe une fête votive, à 20 kilomètres de chez nous, qui vaut vraiment le coup d’œil. En apparence, rien de plus banal : pétanque, groupe disco et buvette. À ce détail près qu’en apothéose de la soirée du samedi, sur les coups de quatre, cinq heures du matin, alors qu’habituellement le bal laisse place aux bagarres entre bourrachons, commence là-bas le traditionnel « chamboule-tout ». L’affaire est simple, il s’agit de déplacer le maximum de mobilier dans l’enceinte du village. Les pots de fleurs de Madame Pichu se retrouvent sur le balcon du grand Gilles, alors que le portail de ce dernier décore désormais la piscine de Monsieur le Maire. La fête laisse sa trace éphémère, c’est plus ou moins bien accepté, mais ça se fait, et c’est bien comme ça. Il est vrai que ça semble très anecdotique, et que si la fête en général s’approprie un territoire, c’est souvent moins par son action sur le mobilier (nous pensions également aux tables des repas de quartiers, aux feux qu’on allume quand la nuit tombe), qu’à travers tous ces corps qui dansent, crient, chantent, prennent le temps, se détachent de leurs gestes habituels. Même dans quelque chose d’aussi classique que les grandes bouffes des comités des fêtes, le fait de boire, manger, éventuellement danser ensemble, quand l’ambiance est bonne, des fois, on pourrait se croire dans un tableau de Bruegel. Et c’est d’autant plus fort quand il commence à y avoir des jeux, que ce soit cette histoire de « chamboule-tout », ou des charivaris, des cavalcades, des cartonnades… D’un coup, on suspend plusieurs siècles de dressage des corps. Quand on joue aux dés ou à la moura [6], et que ça crie, que ça chambre, si on se voyait on ne se reconnaîtrait plus. Un corps collectif apparaît, un corps délirant qui s’empare de l’espace et le remplit, complètement.
D’autres fois, quand la fête prend la rue et s’invite dans toutes les maisons qu’elle croise, on pourrait même croire que les frontières privé/public disparaissent. Voilà ce qui pourrait être un aspect politique des fêtes : ­l’espace public, qui n’est à personne et où seule la police fait régner sa loi, et l’espace privé où règne la famille, sont transformés en un espace commun, un espace peuplé et vivant. Mais attention, avant même les képis, il n’est pas impossible qu’une telle métamorphose trouve sur son chemin les voitures, les terrasses de café et bien sûr les inénarrables petits commerçants aigris. Il s’agit quand même de leur reprendre la rue. C’est presque une déclaration de guerre !

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Désertion

  • Incipit vita nova
  • Odyssée post-CPE
  • Y connaissait degun, le Parisien
  • Fugues mineures en ZAD majeure
  • Mots d’absence
  • Tant qu’il y aura de l’argent

Trajectoires I - 1999-2003 – L’antimondialisation

  • Millau-Larzac : les coulisses de l’altermondialisme
  • Genova 2001 - prises de vues
  • Les points sur la police I
  • Les pieds dans la Moqata
  • OGM et société industrielle

Savoir-faire

  • Mano Verda - Les mains dans la terre
    • Les pieds dans les pommes
    • Agrisquats – ZAD et Dijon
    • Cueillettes, avec ou sans philtres
      • Récoltes sauvages
      • Correspondance autour des plantes et du soin
      • Des âmes damnées
  • Interlude
  • Devenirs constructeurs
    • Construction-barricades-occupation
      • 15 ans de barricadage de portes de squats
      • Hôtel de 4 étages VS électricien sans diplôme d’État
      • Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
    • Constructions pérennes–installations agricoles
    • Maîtrise technique
      • Chantiers collectifs
      • Apprentissage et transmission du savoir
      • Outils et fabrique
    • Gestes et imaginaire

Fêtes sauvages

  • Prélude
  • Faire la fête
    • Entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
    • Communautés des fêtes
      • Suite de l’entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
      • Carte postale : Italie – La scherma
  • Éruption des fêtes sauvages
    • La fête prend le terrain : un jeu avec les autorités
      • Carnaval de quartier
      • Une Boum de gangsters
      • Compétition d’apéros géants 2009-2011
    • La fête garde la main : s’affirmer, revendiquer, s’imposer
      • Free Parties : génération 2000
      • Les karnavals des sons
      • Carnaval de la Plaine
    • La finalité des fêtes
      • Street parties : Making party a threat again…
      • Carte postale : La Guelaguetza d’Oaxaca
  • Le sens de la fête
    • Fêtes et créations d’imaginaires
      • L’imaginaire des nuits du 4 août 2011
      • Vive les sauvages !
    • Quand l’imaginaire devient tradition, coutume, culture
    • Jusqu’au bout de la fête
      • Le Banquet des nuits du 4 août
      • Ivresse, transe et Petassou

Trajectoire II - 2003-2007 – Emportés par la fougue

  • Trouver une occupation
  • Un Centre Social Ouvert et Autogéré
  • CPE, le temps des bandes
  • Les points sur la police II

La folle du logis

  • Prélude
  • Retour vers le futur
  • Mythes de luttes
    • Entretien de Wu Ming 5 et Wu Ming 2
    • Intervento
  • Figures, héros et traditions
    • Lettre à V pour Vendetta
    • Survivance
    • Entretien avec La Talvera
  • Fictions politiques

Habiter

  • Les 400 couverts à Grenoble
    • La traverse squattée des 400 couverts
    • Le parc Paul Mistral
  • Vivre en collectif sur le plateau de Millevaches
  • Nouvelles frontières
  • Matériaux pour habiter

Trajectoires III - 2007-2010 – C’est la guerre

  • la France d’après… on la brûle
  • Serial sabotages
  • Fatal bouzouki
  • La caisse qu’on attend…
  • Les points sur la police III

Hackers vaillants

  • Lost in ze web
  • Ordre de numérisation générale
  • pRiNT : des ateliers d’informatique squattés
  • Et avec ça, qu’est-ce qu’on vous sert ?
    • imc-tech
    • Serveurs autonomes
  • Logiciels libres
    • Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
    • Logiciels : de l’adaptation à la production
    • Et si le monde du logiciel libre prenait parti ?
  • Hackers et offensive
    • Entretien avec sub
    • Pratiques informatiques « offensives »
  • Post scriptum
  • Chronologie

Intervenir

  • Prélude
  • Le marteau sans maître
  • Énonciation et diffusion
  • Féminismes, autonomies, intersections
  • Ancrages - Les Tanneries, 1997 - 20..
  • Rencontres avec le monde ouvrier
    • Une hypothèse
    • Aux portes de l’usine
  • Mouvements sociaux
  • Composition - indignados et mouvement du 15M

Trajectoires IV - 2010-2013

  • Charivaris contre la vidéosurveillance
  • Hôtel-refuge
  • A sarà düra Voyage en Val Susa
    • Récit de voyageurs lost in translation…
    • La vallée qui résiste
  • Les points sur la police IV
  • Une brèche ouverte à Notre-Dame-des-Landes

S’organiser sans organisations

  • Extrait d’une lettre de G., ex-syndicaliste
  • Solidarités radicales en galère de logement
  • Une histoire du réseau Sans-Titre
  • Un coup à plusieurs bandes
  • Les assemblées du plateau de Millevaches
  • S’organiser dans les mouvements barcelonais

Chers noceurs,
Je dois bien vous avouer une chose : jusqu’ici vos histoires de fêtes dans un bouquin politique me laissaient relativement sceptique. Attention, loin de moi l’idée de dénigrer les intensités extatiques : je ne suis pas le dernier à me trémousser en costume de Kangourou sur de la plus ou moins bonne disco. Et j’ai bien entendu parler des provos et des situs, et de la fête comme plan d’une offensive révolutionnaire, mais tout de même, ce n’est pas un livre sur les années 60…
Et puis voilà que la police semble venir vous donner raison : alors que par ici on s’étonne quotidiennement de ne pas se faire plus emmerder que ça pour nos multiples activités qui doivent bien pourtant incommoder les pouvoirs locaux, la réaction nous tombe sur le nez pour des affaires de teufs un peu trop joyeuses (enfin, on a plutôt bien esquivé, vous allez voir…). L’objet de la gouvernance, c’est ce qui lui échappe plus que ce qui se dresse contre elle – j’imagine que notre préfet a lu Deleuze et Foucault, ou quelque chose comme ça.

Figurez-vous les amis que le maire de notre bonne vieille bourgade, candidat au ministère de l’intérieur tout juste éconduit, a très sérieusement signé un arrêté interdisant une boum de gangsters dans la « salle polyvalente Jacques Mesrine ». Et comme cette boum devait être précédée d’une alleycat, une course d’orientation urbaine à vélo, le préfet a de son côté paraphé une interdiction de cette « manifestation anarcho-libertaire » et fait occuper le centre-ville et le quartier par un escadron de gendarmes mobiles. C’est que les instigateurs de la course et de la soirée ne s’étaient préoccupés ni de faire inspecter la grange squattée en question, ni de faire viser le parcours (qui devait bien entendu n’être connu que d’eux seuls) par les autorités compétentes, et que l’esprit de la fête (plus que celui du grand Jacques) s’était manifesté par trop joyeusement dans les jours précédents.
Le 17 mai dernier en effet, à l’heure où la patrouille spéciale de ramassage des fêtards bourrés (dite « anti-débordements ») s’équipait en tonfas et éthylomètres au commissariat central, quelques centaines de personnes investissaient gaiement la rue Berbisey en décrétant la renaissance de la commune libre du même nom (commune libre fondée sous l’Occupation, institution de la vie du quartier qui a pris pour devise « sans craindre les loups, l’agneau se désaltère », devenue aujourd’hui un simple relais folklorique de la municipalité – d’ailleurs son dernier « maire » en exercice s’est fendu d’une déclaration explicite dans le journal local : « Nous n’avons rien à voir avec ces gens qui ont organisé cette beuverie. Je suis le maire et président de la commune libre de Berbisey, qui est d’ailleurs reconnue officiellement par la mairie de Dijon. Jamais nous n’utiliserons l’anarchie pour appuyer nos thèses. Nous n’avons pas les mêmes valeurs. »). Défilé en fanfare, masquage des caméras et alcool à prix libre, pour finir par occuper un local vide en bas de la rue comme bar clandestin jusqu’au petit matin. De l’avis général des participants, une vraie fête. Parmi mille moments de grâce : l’œil-caméra géant en carton est mis à feu dans l’enthousiasme général, et tout le monde se met à sauter au-dessus du brasier. Les flammes qui génèrent l’allégresse plutôt que la crispation, c’est beau à vous en faire pleurer Dominique Boullier [1].
Les flics avaient choisi de gérer à la dijonnaise : présence discrète et paternaliste. La « patrouille de lutte contre l’ivresse publique et manifeste » est restée à la maison, ou bien est allée chasser à la sortie des boîtes de nuit dans un autre coin du centre-ville.

Une dizaine de jours plus tard, rebelote : pendant le festival Maloka [2], la rue dijonnaise (ou plutôt le boulevard) s’est vue à nouveau « privatisée » (selon l’expression du journaliste policier local à propos du 17 mai, dans un étonnant renversement de sens…) : mille punks dans les Tanneries, ça devait bien finir par s’étaler un peu à l’extérieur, jusqu’à envahir la chaussée pour une boum disco mémorable avec DJ, baby-foot et table de ping-pong, de 3h du mat’ à 15h le lundi de Pentecôte ! La veille, l’abribus le plus proche et son encart publicitaire avaient déjà illuminé la fin de soirée… Je n’y étais pas et je ne pourrais donc que mal vous rapporter l’exaltation des petits camarades d’ici quand ils m’ont raconté l’événement, mais vous imaginez l’ambiance. Et là encore, les flics ne se pointent que de loin et en sont réduits à venir prendre en photo les traces de la fête le lendemain.

Fête : 2 - Police : 0. Il semble que ça ait jasé en haut lieu, et qu’on soit allé jusqu’à remuer le préfet de zone de défense à Metz pour faire refluer le désordre des rues dijonnaises. Une affaire de sécurité nationale, apparemment. Et c’est le directeur départemental de la sécurité publique, ci-devant patron des flics locaux, qui s’est pointé à la grille des Tanneries à l’heure du départ de l’alleycat, escorté par une demi-douzaine de fourgons, pour signifier que la fête était finie avant d’avoir (re)commencé. Et effectivement, les organisatrices s’étaient résignées à annuler, peu préparées à la débauche sécuritaire qui s’était abattue sur leur innocent événement. Après avoir subi nos sarcasmes (lancés de derrière nos grilles fermées), et sans peur du ridicule, les fourgons sont ensuite allés bloquer les accès à la salle que nous avions rebaptisée « Jacques Mesrine », pour interdire toute soirée festive. Comme on connaît un peu le coin, vu que c’est sur les terres occupées, on s’est quand même retrouvé pour un barbecue champêtre au nez et à la barbe de tous les petits commissaires Broussard. Pas sûr que sur ce coup-là, les flics aient vraiment marqué un point…

Ici, on pense que la pression va vite retomber. L’escadron est rentré chez lui ; on a sorti un communiqué qui fait pas mal parler en ville, et la mairie, qui avait d’abord haussé le ton, essaie maintenant de la jouer conciliante. Faut dire qu’elle ne peut pas trop aboyer sans être prête à mordre : elle s’apprête à assumer publiquement de rallonger la facture de 300 000 € pour notre relogement ! En tout cas on espère qu’avant l’été l’esprit de la fête frappera encore par chez nous, en bernant une nouvelle fois les flics (on s’apprête à rebaptiser la salle polyvalente Jacques Mesrine en « Boulodrome Chantal Goya », pour tromper l’ennemi).

Un boomeur du bitume

[1] Sociologue, spécialiste des débordements de la fête et plus spécifiquement de leur gestion raisonnée.

[2] Festival de Punk dijonnais.

Elle occupe provisoirement un territoire, dans l’espace, le temps ou ­l’imaginaire, et se dissout dès lors qu’elle est répertoriée. La TAZ fuit les TAZs affichées, les espaces “concédés” à la liberté : elle prend ­d’assaut, et retourne à l’invisible. Elle (...)

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Carnaval de quartier

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Compétition d’apéros géants 2009-2011

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Correspondances

Survivance
considérations autour de Guy Fawkes et des Anonymous
Outils et fabrique
Lettre à V pour Vendetta

2012

Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
Charivaris contre la vidéosurveillance
La plaine, Marseille
Aux portes de l’usine

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Borroka ! Désormais disponible en librairie


Cet abécédaire du Pays basque insoumis a été rédigé en vue du contre-sommet du G7 qui se tiendra en août 2019 à Biarritz. Il a été pensé comme une première rencontre avec un territoire et ses habitants. Car le Pays basque n’est ni la France au nord, ni l’Espagne au sud, ou du moins il n’est pas que l’Espagne ou la France. On s’aperçoit en l’arpentant qu’y palpite un monde autre, déroutant : le monde en interstices d’un peuple qui se bat pour l’indépendance de son territoire. Borroka, c’est la lutte, le combat, qui fait d’Euskadi une terre en partie étrangère à nos grilles d’analyse françaises. C’est de ce peuple insoumis et de sa culture dont il sera question dans cet ouvrage.
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