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Carnaval de quartier

Entretien avec un initiateur du carnaval de Saint-Roch (Nice)

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Le Chœur ion du texte
présentation du texte  

Elle occupe provisoirement un territoire, dans l’espace, le temps ou ­l’imaginaire, et se dissout dès lors qu’elle est répertoriée. La TAZ [5] fuit les TAZs affichées, les espaces “concédés” à la liberté : elle prend ­d’assaut, et retourne à l’invisible. Elle est une “ insurrection” hors le Temps et l’Histoire, une tactique de la disparition.
Hakim Bey, TAZ (quatrième de couverture, L’éclat, 1997)

Les noceurs de la cambrousse : Il existe une fête votive, à 20 kilomètres de chez nous, qui vaut vraiment le coup d’œil. En apparence, rien de plus banal : pétanque, groupe disco et buvette. À ce détail près qu’en apothéose de la soirée du samedi, sur les coups de quatre, cinq heures du matin, alors qu’habituellement le bal laisse place aux bagarres entre bourrachons, commence là-bas le traditionnel « chamboule-tout ». L’affaire est simple, il s’agit de déplacer le maximum de mobilier dans l’enceinte du village. Les pots de fleurs de Madame Pichu se retrouvent sur le balcon du grand Gilles, alors que le portail de ce dernier décore désormais la piscine de Monsieur le Maire. La fête laisse sa trace éphémère, c’est plus ou moins bien accepté, mais ça se fait, et c’est bien comme ça. Il est vrai que ça semble très anecdotique, et que si la fête en général s’approprie un territoire, c’est souvent moins par son action sur le mobilier (nous pensions également aux tables des repas de quartiers, aux feux qu’on allume quand la nuit tombe), qu’à travers tous ces corps qui dansent, crient, chantent, prennent le temps, se détachent de leurs gestes habituels. Même dans quelque chose d’aussi classique que les grandes bouffes des comités des fêtes, le fait de boire, manger, éventuellement danser ensemble, quand l’ambiance est bonne, des fois, on pourrait se croire dans un tableau de Bruegel. Et c’est d’autant plus fort quand il commence à y avoir des jeux, que ce soit cette histoire de « chamboule-tout », ou des charivaris, des cavalcades, des cartonnades… D’un coup, on suspend plusieurs siècles de dressage des corps. Quand on joue aux dés ou à la moura [6], et que ça crie, que ça chambre, si on se voyait on ne se reconnaîtrait plus. Un corps collectif apparaît, un corps délirant qui s’empare de l’espace et le remplit, complètement.
D’autres fois, quand la fête prend la rue et s’invite dans toutes les maisons qu’elle croise, on pourrait même croire que les frontières privé/public disparaissent. Voilà ce qui pourrait être un aspect politique des fêtes : ­l’espace public, qui n’est à personne et où seule la police fait régner sa loi, et l’espace privé où règne la famille, sont transformés en un espace commun, un espace peuplé et vivant. Mais attention, avant même les képis, il n’est pas impossible qu’une telle métamorphose trouve sur son chemin les voitures, les terrasses de café et bien sûr les inénarrables petits commerçants aigris. Il s’agit quand même de leur reprendre la rue. C’est presque une déclaration de guerre !

Désertion Trajectoires I - 1999-2003 – Savoir-faire Fêtes sauvages Trajectoire II - 2003-2007 – La folle du logis Habiter Trajectoires III - 2007-2010 Hackers vaillants Intervenir Trajectoires IV - 2010-2013 S’organiser sans organisations

Désertion

  • Incipit vita nova
  • Odyssée post-CPE
  • Y connaissait degun, le Parisien
  • Fugues mineures en ZAD majeure
  • Mots d’absence
  • Tant qu’il y aura de l’argent

Trajectoires I - 1999-2003 – L’antimondialisation

  • Millau-Larzac : les coulisses de l’altermondialisme
  • Genova 2001 - prises de vues
  • Les points sur la police I
  • Les pieds dans la Moqata
  • OGM et société industrielle

Savoir-faire

  • Mano Verda - Les mains dans la terre
    • Les pieds dans les pommes
    • Agrisquats – ZAD et Dijon
    • Cueillettes, avec ou sans philtres
      • Récoltes sauvages
      • Correspondance autour des plantes et du soin
      • Des âmes damnées
  • Interlude
  • Devenirs constructeurs
    • Construction-barricades-occupation
      • 15 ans de barricadage de portes de squats
      • Hôtel de 4 étages VS électricien sans diplôme d’État
      • Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
    • Constructions pérennes–installations agricoles
    • Maîtrise technique
      • Chantiers collectifs
      • Apprentissage et transmission du savoir
      • Outils et fabrique
    • Gestes et imaginaire

Fêtes sauvages

  • Prélude
  • Faire la fête
    • Entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
    • Communautés des fêtes
      • Suite de l’entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
      • Carte postale : Italie – La scherma
  • Éruption des fêtes sauvages
    • La fête prend le terrain : un jeu avec les autorités
      • Carnaval de quartier
      • Une Boum de gangsters
      • Compétition d’apéros géants 2009-2011
    • La fête garde la main : s’affirmer, revendiquer, s’imposer
      • Free Parties : génération 2000
      • Les karnavals des sons
      • Carnaval de la Plaine
    • La finalité des fêtes
      • Street parties : Making party a threat again…
      • Carte postale : La Guelaguetza d’Oaxaca
  • Le sens de la fête
    • Fêtes et créations d’imaginaires
      • L’imaginaire des nuits du 4 août 2011
      • Vive les sauvages !
    • Quand l’imaginaire devient tradition, coutume, culture
    • Jusqu’au bout de la fête
      • Le Banquet des nuits du 4 août
      • Ivresse, transe et Petassou

Trajectoire II - 2003-2007 – Emportés par la fougue

  • Trouver une occupation
  • Un Centre Social Ouvert et Autogéré
  • CPE, le temps des bandes
  • Les points sur la police II

La folle du logis

  • Prélude
  • Retour vers le futur
  • Mythes de luttes
    • Entretien de Wu Ming 5 et Wu Ming 2
    • Intervento
  • Figures, héros et traditions
    • Lettre à V pour Vendetta
    • Survivance
    • Entretien avec La Talvera
  • Fictions politiques

Habiter

  • Les 400 couverts à Grenoble
    • La traverse squattée des 400 couverts
    • Le parc Paul Mistral
  • Vivre en collectif sur le plateau de Millevaches
  • Nouvelles frontières
  • Matériaux pour habiter

Trajectoires III - 2007-2010 – C’est la guerre

  • la France d’après… on la brûle
  • Serial sabotages
  • Fatal bouzouki
  • La caisse qu’on attend…
  • Les points sur la police III

Hackers vaillants

  • Lost in ze web
  • Ordre de numérisation générale
  • pRiNT : des ateliers d’informatique squattés
  • Et avec ça, qu’est-ce qu’on vous sert ?
    • imc-tech
    • Serveurs autonomes
  • Logiciels libres
    • Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
    • Logiciels : de l’adaptation à la production
    • Et si le monde du logiciel libre prenait parti ?
  • Hackers et offensive
    • Entretien avec sub
    • Pratiques informatiques « offensives »
  • Post scriptum
  • Chronologie

Intervenir

  • Prélude
  • Le marteau sans maître
  • Énonciation et diffusion
  • Féminismes, autonomies, intersections
  • Ancrages - Les Tanneries, 1997 - 20..
  • Rencontres avec le monde ouvrier
    • Une hypothèse
    • Aux portes de l’usine
  • Mouvements sociaux
  • Composition - indignados et mouvement du 15M

Trajectoires IV - 2010-2013

  • Charivaris contre la vidéosurveillance
  • Hôtel-refuge
  • A sarà düra Voyage en Val Susa
    • Récit de voyageurs lost in translation…
    • La vallée qui résiste
  • Les points sur la police IV
  • Une brèche ouverte à Notre-Dame-des-Landes

S’organiser sans organisations

  • Extrait d’une lettre de G., ex-syndicaliste
  • Solidarités radicales en galère de logement
  • Une histoire du réseau Sans-Titre
  • Un coup à plusieurs bandes
  • Les assemblées du plateau de Millevaches
  • S’organiser dans les mouvements barcelonais

Le carnaval du quartier Saint-Roch a surgi à un moment où il y avait un vide, un vide politique à Nice. C’était à la fin des années 90, la fin de l’ère Médecin [1] – qui était un peu notre Ceaușescu à nous. Nous qui étions du quartier, nous ressentions avec acuité la pression immobilière qui pesait sur toute la ville. Ici la chose que l’on sait le mieux faire, c’est virer le Niçois et le remplacer par des voitures ou des terrasses. Il est difficile d’obtenir un lieu, même pour simplement fêter un anniversaire ; partout des terrasses et un immobilier hors de prix. Alors on a occupé un hangar dans Saint-Roch, on pourrait l’appeler squat, mais, et c’est tout à notre honneur, on est un des seuls endroits de ce type qui a aussi porté la culture et la langue niçoise. Il y en a qui voulaient copier Berlin ou l’Angleterre, faire de l’underground. Moi je leur disais : « On a jamais été sous terre ici. » Ensuite, on a voulu sortir de ce hangar pour partager quelque chose dans le quartier avec les gens. Nous étions un certain nombre à en être originaires, à y avoir nos parents, nos grands-parents, à y avoir grandi. Ce qui nous est apparu le plus évident, c’était le carnaval. On ne pouvait pas nous l’interdire et ça faisait partie d’une tradition, d’un imaginaire que les gens connaissaient. C’était un biais qui nous permettait à nous d’amener quelque chose à ce quartier excentré et de gauche, pour lequel la ville n’avait jamais rien fait. Encore aujourd’hui, on est un des quartiers les plus peuplés de Nice et il n’y a quasiment aucun équipement. Ni lieu pour les jeunes, ni crèches, rien. Se réapproprier l’espace urbain, c’est le point de départ de cette fête. Bien sûr, on n’a jamais demandé d’autorisation, pour carnaval il n’y a rien à demander, c’est une fête traditionnelle, si on la fait intelligemment.

À l’époque, au tout début, en plus du hangar, il restait quand même quelques lieux au quartier. Un clos de boule, notamment (L’Auberge de la tranquillité). Ces espaces, on les a mis à disposition des gens, chacun préparait son costume, les chars. Par la suite, certains groupes qui sont venus pour le carnaval se sont installés et ont pris de nouveaux lieux dans le quartier. De fil en aiguille, ce carnaval a instauré une dynamique sur toute la ville. D’autres lieux se montaient en résonance, chacun faisant les choses à sa manière. D’autres carnavals sont ainsi nés au port, à l’Ariane… Le carnaval officiel a même fini par nous proposer de venir ! On a dit non, bien sûr.
Puis, quand on a commencé à atteindre deux mille personnes, que ça nous dépassait complètement, on s’est retiré. C’était en 2000-2001, il y avait déjà beaucoup de monde qui venait juste comme ça en spectateur, nous on perdait le plaisir à faire la fête. On s’est dit : maintenant on va faire autre chose. Et depuis 2005, on fait un autre carnaval, plus intime, avec en majorité des gens qu’on connaît. On fait toujours nos chansons, nos danses qu’on a inventées, et on va de Saint-Roch à la mer.
Pendant un temps, il y a eu les deux carnavals en même temps. Mais ces dernières années celui de Saint-Roch a fini en affrontements avec la police. Maintenant, il y a une interdiction de la municipalité sur ce carnaval. Le lien avec le quartier a peu à peu disparu. Nous, on avait juste ouvert un espace de liberté ; peut-être que la forme que lui ont donnée nos successeurs dans une ambiance très techno nécessitait une autre logistique. En tout cas, c’est une logique d’organisation qu’on n’a jamais voulu faire nôtre. On lui substitue beaucoup d’envie, et d’attention. On a jamais oublié que Carnaval c’est une fête que l’on fait pour nous.

[1] Jacques Médecin, maire de Nice de 1966 à 1990, fils de Jean Médecin, maire de Nice de 1928 à 1943 puis de 1947 à 1965.

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Témoignages

OGM et société industrielle
Limer les grilles de lecture
Charivaris contre la vidéosurveillance
La plaine, Marseille
Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
Dijon, 2005

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AGENDA
De nouvelles dates à venir bientôt.
CONSTELLATIONS

Borroka ! Désormais disponible en librairie


Cet abécédaire du Pays basque insoumis a été rédigé en vue du contre-sommet du G7 qui se tiendra en août 2019 à Biarritz. Il a été pensé comme une première rencontre avec un territoire et ses habitants. Car le Pays basque n’est ni la France au nord, ni l’Espagne au sud, ou du moins il n’est pas que l’Espagne ou la France. On s’aperçoit en l’arpentant qu’y palpite un monde autre, déroutant : le monde en interstices d’un peuple qui se bat pour l’indépendance de son territoire. Borroka, c’est la lutte, le combat, qui fait d’Euskadi une terre en partie étrangère à nos grilles d’analyse françaises. C’est de ce peuple insoumis et de sa culture dont il sera question dans cet ouvrage.
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