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« J’étais syndiqué depuis début 2005, presque huit ans. De cette minorité parmi la minorité qui se syndique pour autre chose que l’avancement de carrière ou la gestion du CE : pour s’organiser comme travailleur face au « patron », dans la plus pure tradition syndicaliste révolutionnaire, et dans une organisation qui peut s’en réclamer sans rougir. Le mois dernier, j’ai soldé quelques trimestres de cotis’ en retard, et j’ai rendu ma carte. Pourtant, je pense toujours qu’en tant que salarié on doit se battre contre l’exploitation, et qu’en tant que travailleur on doit reprendre le contrôle sur le sens de notre travail.
Pourtant, je ne renie rien des actions qu’on a menées, des grèves qu’on a initiées (quand ça prenait), des occupations de bureau, des tracts sur les conditions de travail diffés au petit matin. Je n’étais pas non plus allergique aux réunions, aux mandats, aux tampons, et j’étais même prêt à trouver un certain charme aux congrès et à leur pantomime bureaucratique. Je voulais participer à construire – patiemment – l’organisation, pour que la prochaine fois on soit plus fort, pour que tout ne retombe pas après l’accord de fin de grève, pour lutter en même temps aux côtés d’une femme de ménage et d’une prof de collège.
En y réfléchissant, je crois que ma désaffection pour le syndicat est arrivée avec ce bête constat : rien de ce qu’on y faisait d’intéressant ne nécessitait de le faire au nom d’une organisation. Collectivement, oui – on aurait été bien en peine d’arriver à quoi que ce soit « en tant qu’individu ». Avec un minimum de rigueur et de stabilité, aussi. Mais pourquoi s’emmerder avec tous les rouages de la grosse machine, conçus pour des milliers alors qu’on fonctionnait à quelques dizaines, au mieux ? Pourquoi se raconter des histoires sur la possibilité qu’un jour, peut-être, notre bel et complexe édifice héberge enfin les troupes de la révolution en marche ? Et je veux bien me poser la question de rempiler dès qu’on m’aura montré une orga à vocation révolutionnaire qui remplit son rôle minimal, à savoir peser sur les luttes et ouvrir des perspectives à grande échelle (soit au moins nationalement) – ces dernières années, ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué… »