L’année 2009 commence par une grande mêlée de rugby dans un champ. Des opposants ont forcé un camion et repris des échantillons de terre, prélevés à l’occasion de forages nécessaires aux études préliminaires. Deux opposants sont inculpés pour « vol de terre », mais, à partir de ce moment-là, les machines ne reviendront plus sans renforts policiers conséquents [1].
À l’été, plusieurs milliers de personnes se rassemblent sur la zad avec la tenue conjointe du « Camp Action Climat » et de la « Semaine des résistances ». Le premier marque l’arrivée en force dans la lutte de courants écologistes radicaux et anticapitalistes, qui s’attachent à la mise en place d’une expérience temporaire d’autogestion à « faible empreinte écologique », et à la promotion de l’action directe. La « Semaine des résistances » accueille, quant à elle, la frange plus institutionnelle du mouvement et quelques professionnels de la politique. Les deux espaces se côtoient sans vraiment se mélanger. L’intrusion de 100 personnes masquées dans le supermarché le plus proche, qui chargent leurs sacs, repartent à travers bois et redistribuent ensuite à qui veut les fruits du pillage, réjouit ou attise les polémiques, dans un camp comme dans l’autre. Le dernier jour du « Camp Action Climat », les « Habitants qui résistent » lancent à nouveau leur appel à venir vivre sur la zone, diversement apprécié par certains paysans et militants locaux qui craignent des installations intempestives.
Dans les mois qui suivent, de nouvelles personnes viennent s’installer, occupant des fermes abandonnées ou construisant leurs propres cabanes sur certaines des terres restées en friche. Arrivent des squatteurs de Nantes et d’ailleurs, des décroissants qui démarrent un projet de boulangerie ou encore une bande hétéroclite et polyglotte d’habitants des arbres, habitués des occupations de forêts menacées, qui construisent les premières maisons aériennes sur ce qui devient la Zone À Défendre. Ils ont en commun la volonté de lutter non seulement contre l’aéroport, mais aussi « contre le monde qui va avec », et veulent construire ici et maintenant une vie en rupture avec l’économie capitaliste et les rapports de domination.
Le mouvement d’occupation connaît d’abord une phase d’installation discrète mais se structure rapidement avec l’édification, au lieu-dit les Planchettes, d’une « cabane de la résistance » où se tiennent des assemblées hebdomadaires, l’installation d’une guinguette et d’un « supermarché » gratuit alimenté par la récup’ dans les poubelles de la grande distribution ou encore l’arrivée d’une cantine collective et d’un bibliobus. Un bulletin apériodique, le Lèse béton, atterrit dans les boîtes aux lettres des villages et cherche à se connecter avec le voisinage tout en n’évitant pas les sujets qui fâchent : les élections, le travail ou encore le sabotage comme pratique de lutte.
L’aéroport est d’abord combattu depuis les espaces qu’il menace. Mais c’est au cœur de la métropole nantaise et au nom de son développement que sa planification se poursuit. À la fin des années 2000, des réseaux militants commencent à s’organiser de manière informelle, puis se regroupent, notamment au sein du CNCA, pour appuyer le mouvement anti-aéroport depuis la ville.
[1] Voir le récit plus détaillé qui en est fait au chapitre 3