Depuis deux ans, les occasions de rejoindre la lutte contre l’aéroport n’ont pas manqué. Pour beaucoup d’entre nous, nous nous sommes mobilisé-e-s contre les forages géotechniques, nous avons participé au camp climat et à la création du jardin collectif de l’Epine. La construction d’un aéroport international à Notre Dame des Landes n’est malheureusement pas la seule chose contre laquelle il nous semble important de lutter. Mais la résistance qui s’est construite ici nous a touché-e-s. Partout, la machine capitaliste se met en branle en écrasant tout sur son passage. Partout, des populations sont aménagées au gré des lubies du corps politique et de l’appât du gain. Mais ici les habitant-e-s de Notre Dame des Landes, comme celleux du Carnet, du Pellerin ou de Plogoff, se sont organisé-e-s pour faire obstacle à la machine. Cependant, nous avons constaté qu’après 40 ans de lutte contre un système qui semble invincible, la détermination a parfois laissé la place à la résignation. C’est quelque chose qui peut se comprendre : il est certainement épuisant de vivre avec la menace permanente que représente ce projet.
De notre côté, nous sommes convaincu-e-s qu’il est encore possible d’empêcher le projet. Nous ne basons pas notre espoir sur un manque de finances de dernière minute, ni sur un changement providentiel de majorité politique, mais sur la possibilité d’organiser un véritable rapport de force. Nous ne sommes pas des marchandises, une force de travail qui peut être utilisée jusqu’à 62 ans et être déplacée en fonction des intérêts du moment. Nous voulons choisir notre vie, créer des solidarités et pouvoir élaborer des projets ensemble, plutôt que de subir ceux des capitalistes.
Au cours du camp climat, un appel a été lancé pour occuper la ZAD. Nous avons choisi de venir vivre ici afin de mieux comprendre le contexte local et d’apprendre à connaître les autres gens qui luttent contre cet aéroport. Nous avons choisi d’habiter au milieu de la zone qu’ils veulent détruire afin de pouvoir surveiller l’avancée des travaux et de pouvoir les empêcher physiquement. Nous avons choisi d’occuper les terrains et maisons laissés à l’abandon par le Conseil général, parce que si on avait demandé, ils n’auraient pas voulu qu’on vienne, parce que nous ne voulons pas leur donner d’argent, parce que les maisons sont faites pour être habitées. La logique qui est en œuvre avec la construction de l’aéroport, c’est celle de la croissance économique. C’est cette même logique qui pousse industriels et politiques à détruire des anciens bâtiments pour en faire des neufs, à laisser à l’abandon des maisons en bon état pour faire de la spéculation. Les ressources matérielles et humaines sont alors sacrifiées sur l’autel de la croissance. En utilisant les maisons laissées à l’abandon, nous agissons directement contre cette logique.
Notre société repose sur l’individualisme. Chacun-e se retrouve seul-e à gérer sa survie et à affronter ses difficultés. Les choix que nous avons faits nous aident à sortir de cet isolement et à construire des choses ensemble, à nous organiser pour que notre existence ne puisse plus être niée. Ensemble, nous aimerions avoir la possibilité de répondre collectivement à nos besoins plutôt que de toujours payer des gens pour travailler pour nous.
Le projet d’aéroport est l’aboutissement d’un système où quelques-un-e-s peuvent décider pour tou-te-s. Si on demande a ces quelques personnes de renoncer à leur projet, on s’attaque aux conséquences sans s’attaquer aux causes. Le projet d’aéroport est la simple conséquence d’un système qui repose sur une énorme délégation du pouvoir. Pour cette raison, nous sommes attaché-e-s à agir en notre nom et à parler en notre nom. Pour cette même raison, ce journal n’indique les positions que des gens qui l’ont écrit et non pas l’opinion de tou-te-s les opposant-e-s à l’aéroport, ni même l’ensemble de celleux qui ont choisi d’occuper les terres et maisons du Conseil général et de l’Etat.
Nous refusons de n’être que les petits rouages d’une grosse machine sur laquelle nous n’avons aucune prise.