Agitant l’épouvantail d’une “ zone de non-droit ” à reconquérir, la propagande officielle cherche à faire oublier la réalité crue de l’aménagement du territoire. Le 22 septembre dernier, le juge des expropriations devait venir dans les maisons et les fermes d’habitants historiques pour effectuer sa basse besogne : estimer le montant du dédommagement financier supposé compenser l’arrachement d’un être de l’endroit où il a construit sa vie. Des barricades érigées et tenues toute la matinée le contraignent à rebrousser chemin. Mais la procédure, elle, suit son cours.
AGO-Vinci réclame l’expulsion immédiate et sans délai de ces habitants, sous peine d’astreintes de 200 à 1000 euros par jour de retard et de séquestration de leurs biens, matériel agricole et bétail. Comme en Val Susa, les aménageurs jouent la carte de la pression financière pour faire plier les opposants ; en cherchant à fragiliser les habitants historiques, c’est tout le mouvement qu’ils tentent d’étrangler.
Le 10 décembre dernier, devant le tribunal de Nantes, des centaines d’opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes retiennent leur souffle, car en ce jour les habitants légaux qui refusent de partir passent devant le juge en procédure d’urgence. Le magistrat n’accorde pas le report mais finit par accepter un retrait de rôle [1], à la demande conjointe des avocats des habitants et de celui d’AGO-Vinci. Cette alliance de circonstance a sans doute été obtenue au prix de rocambolesques négociations de couloirs. « En synthèse : le boulet est passé à côté, mais le canon reste en place, sachant que l’artilleur fera la trêve des confiseurs ! » [2]
Quelques semaines plus tard, sans grande surprise, l’artillerie reprend position et le canon menace à nouveau de frapper le mouvement. Un nouveau procès s’annonce pour le 13 janvier.
Face à cette nouvelle attaque, le mouvement se donne rendez-vous le 9 janvier pour une journée de mobilisation en tracteurs, à vélos, et à pied. Le cortège s’acheminera de Notre-Dame-des-Landes au périphérique nantais et se clôturera par un grand banquet au pied du pont de Cheviré, sous la bannière : « Puisqu’il y n’aura pas d’aéroport, pour l’abandon immédiat des procédures d’expulsion ». Simultanément, des actions similaires s’organisent dans d’autres régions.
Marcel et Sylvie, habitants et éleveurs laitiers sur la zad depuis 1999, risquent de se faire expulser de leur ferme dans le cadre de cette procédure. Marcel, membre de l’ADECA [3], de l’ACIPA [4] et de COPAIN [5] qui vit au jour le jour sur la zone, nous livre son vécu et sa vision des différentes phases de la lutte.
[1] - Le retrait de rôle est une mesure d’administration judiciaire qui suspend le cours de la procédure, elle est ordonnée à la demande conjointe des parties par le juge saisi de l’affaire.
[2] - Témoignage extrait du blog de Marcel et Sylvie, où on peut retrouver leur récit de la journée devant le tribunal, le 10 decembre : parolesdecampagne.blogspot.com
[3] - Association de Défense des Exploitants Concernés par l’Aéroport, créée en 1972.
[4] - Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes née en 2000.
[5] - Collectif des Organisation Professionnelles Agricoles Indignées par le projet d’aéroport. Né en 2011, il réunit les organisations paysannes engagées dans la lutte et est particulièrement actif depuis l’opération César.
[1] Le retrait de rôle est une mesure d’administration judiciaire qui suspend le cours de la procédure, elle est ordonnée à la demande conjointe des parties par le juge saisi de l’affaire.
[2] Témoignage extrait du blog de Marcel et Sylvie, où on peut retrouver leur récit de la journée devant le tribunal, le 10 decembre.
[3] Association de Défense des Exploitants Concernés par l’Aéroport, créée en 1972.
[4] Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes née en 2000.
[5] Collectif des Organisation Professionnelles Agricoles Indignées par le projet d’aéroport. Né en 2011, il réunit les organisations paysannes engagées dans la lutte et est particulièrement actif depuis l’opération César.
[6] Sylvain, Bruno et Brigitte font partie du même GAEC à Notre-Dame-des-Landes. Sylvain et Brigitte vivent au lieu-dit les Domaines. Bruno vit dans le hameau du Liminbout. Tous sont concernés par le projet d’aéroport.
[7] Groupe d’habitants de Notre-Dame-des-Landes et des alentours, qui souhaitaient voir plus d’action sur le terrain dans l’opposition au projet d’aéroport et ne se retrouvaient pas dans le rapport aux élus adopté par l’ACIPA. Ils appelleront, en 2009, à venir occuper la ZAD et tisseront des liens forts avec les nouveaux occupants de la zone.
[8] La commune de Grandchamp-des-Fontaines, en bordure de la zad, est concernée sur son territoire par la réalisation de l’extrémité est de la piste sud et par la desserte routière du projet d’aéroport.
[9] Collectif des Élus Doutant de la Pertinence de l’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
[10] Coordination d’associations, collectifs, syndicats et mouvements politiques qui s’est constituée en 2004.
[11] Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, elle met en œuvre, entre autres, les politiques de l’État en matière de transport.
[12] Aujourd’hui AGO-Vinci réclame l’expulsion immédiate de ces habitants et paysans, cf. intro.
[13] Paysan, opposant - peu médiatisé - vivant en bordure de la ZAD.
[14] Une partie des terrains inclus dans la zad le sont au titre des mesures compensatoires, c’est à dire qu’ils sont censés, dans une logique gestionnaire de la nature, permettre de compenser la destruction du reste des terres.
[15] Date de la Déclaration d’Utilité Publique. Cela exclut de facto le mouvement d’occupation de l’accord.
[16] Village construit par 40 000 personnes, dans une châtaigneraie, pendant la manifestation de réoccupation du 17 novembre 2012.
[17] À l’automne 2009, des producteurs français de lait ont appelé, aux côtés de leurs collègues européens, à cesser de livrer les laiteries pour dénoncer l’effondrement du prix du lait et la dérégulation du marché décidée par Bruxelles.
[18] Sème ta Zad est le nom d’une assemblée bimensuelle où se discute l’usage agricole des terres de la zone mais aussi d’une manif de mise en culture qui s’est déroulée le 13 avril 2013 pour aider au démarrage d’une dizaine de nouveaux projets agricoles.
[19] Assemblée générale mensuelle regroupant diverses composantes de la lutte où se transmettent des infos, se partagent des visions stratégiques et des projets d’actions. S’y énoncent aussi des conflits et convergences possibles, tant idéologiques que pratiques, sur les usages du territoire et les rapports de voisinage.
[20] La SCTL, Société Civile des Terres du Larzac, créée en 1985 après la victoire de l’opposition à l’extension du camp militaire, est une structure foncière ayant pour but la gestion des terres arrachées dans la lutte par un organisme indépendant. Aujourd’hui les 6 300 ha de terres et bâtiments sont confiés par l’État français à la SCTL par bail emphytéotique de 60 ans. Ce bail a été reconduit en 2013 par Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture. Lors de sa venue sur le plateau du Larzac, à peine quelques semaines après les expulsions à Notre-Dame-des-Landes, le comité anti-aéroport aveyronnais décide de venir contester la mascarade du gouvernement en construisant une cabane devant l’accès et en bloquant le ministre tant que celui-ci ne se sera pas prononcé contre le projet d’aéroport. Le ministre a alors préféré fuir par les champs, plutôt que de se confronter à ses propres contradictions : être favorable à une gestion collective des terres sur le Larzac, tout en acceptant que 2 000 hectares de terres agricoles soient bétonnées en Loire-Atlantique.
[21] Soit les terres cultivables (hors friches et forêts), non déjà exploitées par des paysans en lutte.