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Mots d’absence

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Le Chœur ion du texte
présentation du texte  

Ne pas avoir de regrets… C’est plus simple lorsque l’on commence tôt à chercher d’autres voies. Quand un sentiment d’inadaptation rencontre une effervescence, l’occasion de quitter le rang se fait jour. Le mouvement contre la réforme Fillon en 2005 a fait bouillonner les lycées de France. Mais pour Chloé, qui nous livre ici son récit, il n’a été qu’un pas de plus vers des illégalismes jubilatoires. Un lycée occupé, des rues enfin grouillantes, et les petits gestes d’ordinaire cachés nagent enfin dans leur élément. Plus qu’un désir de margina­lité, la « délinquance juvénile » est pour certains un penchant qui parfois rejoint le politique. Ce lien se tisse au fil des actes, dont les interprétations tentent en vain de démêler l’écheveau.
Ce que raconte Chloé, c’est ce que d’autres appelleraient « mal tourner », tant pour eux les virages sont dangereux : trop courbes, trop irréguliers et trop imprévisibles. Son virage à elle l’éloigne de certaines institutions chloroformées – l’école, la famille – en la conduisant parfois vers d’autres – la police, la justice… La tension ne faiblit pas entre le redressement et la courbe. Et c’est au creux du virage, parmi tricheurs, faussaires ou casseurs, que « criminalité » et politique peuvent se fondre dans le refus des règles, dans le plaisir de les contourner. Chloé ne veut pas grandir, parce que grandir, dans leurs bouches, c’est rentrer dans le rang.

Désertion Trajectoires I - 1999-2003 – Savoir-faire Fêtes sauvages Trajectoire II - 2003-2007 – La folle du logis Habiter Trajectoires III - 2007-2010 Hackers vaillants Intervenir Trajectoires IV - 2010-2013 S’organiser sans organisations

Désertion

  • Incipit vita nova
  • Odyssée post-CPE
  • Y connaissait degun, le Parisien
  • Fugues mineures en ZAD majeure
  • Mots d’absence
  • Tant qu’il y aura de l’argent

Trajectoires I - 1999-2003 – L’antimondialisation

  • Millau-Larzac : les coulisses de l’altermondialisme
  • Genova 2001 - prises de vues
  • Les points sur la police I
  • Les pieds dans la Moqata
  • OGM et société industrielle

Savoir-faire

  • Mano Verda - Les mains dans la terre
    • Les pieds dans les pommes
    • Agrisquats – ZAD et Dijon
    • Cueillettes, avec ou sans philtres
      • Récoltes sauvages
      • Correspondance autour des plantes et du soin
      • Des âmes damnées
  • Interlude
  • Devenirs constructeurs
    • Construction-barricades-occupation
      • 15 ans de barricadage de portes de squats
      • Hôtel de 4 étages VS électricien sans diplôme d’État
      • Réoccupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
    • Constructions pérennes–installations agricoles
    • Maîtrise technique
      • Chantiers collectifs
      • Apprentissage et transmission du savoir
      • Outils et fabrique
    • Gestes et imaginaire

Fêtes sauvages

  • Prélude
  • Faire la fête
    • Entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
    • Communautés des fêtes
      • Suite de l’entretien avec M. Carnaval, M. Free et Mme Party
      • Carte postale : Italie – La scherma
  • Éruption des fêtes sauvages
    • La fête prend le terrain : un jeu avec les autorités
      • Carnaval de quartier
      • Une Boum de gangsters
      • Compétition d’apéros géants 2009-2011
    • La fête garde la main : s’affirmer, revendiquer, s’imposer
      • Free Parties : génération 2000
      • Les karnavals des sons
      • Carnaval de la Plaine
    • La finalité des fêtes
      • Street parties : Making party a threat again…
      • Carte postale : La Guelaguetza d’Oaxaca
  • Le sens de la fête
    • Fêtes et créations d’imaginaires
      • L’imaginaire des nuits du 4 août 2011
      • Vive les sauvages !
    • Quand l’imaginaire devient tradition, coutume, culture
    • Jusqu’au bout de la fête
      • Le Banquet des nuits du 4 août
      • Ivresse, transe et Petassou

Trajectoire II - 2003-2007 – Emportés par la fougue

  • Trouver une occupation
  • Un Centre Social Ouvert et Autogéré
  • CPE, le temps des bandes
  • Les points sur la police II

La folle du logis

  • Prélude
  • Retour vers le futur
  • Mythes de luttes
    • Entretien de Wu Ming 5 et Wu Ming 2
    • Intervento
  • Figures, héros et traditions
    • Lettre à V pour Vendetta
    • Survivance
    • Entretien avec La Talvera
  • Fictions politiques

Habiter

  • Les 400 couverts à Grenoble
    • La traverse squattée des 400 couverts
    • Le parc Paul Mistral
  • Vivre en collectif sur le plateau de Millevaches
  • Nouvelles frontières
  • Matériaux pour habiter

Trajectoires III - 2007-2010 – C’est la guerre

  • la France d’après… on la brûle
  • Serial sabotages
  • Fatal bouzouki
  • La caisse qu’on attend…
  • Les points sur la police III

Hackers vaillants

  • Lost in ze web
  • Ordre de numérisation générale
  • pRiNT : des ateliers d’informatique squattés
  • Et avec ça, qu’est-ce qu’on vous sert ?
    • imc-tech
    • Serveurs autonomes
  • Logiciels libres
    • Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
    • Logiciels : de l’adaptation à la production
    • Et si le monde du logiciel libre prenait parti ?
  • Hackers et offensive
    • Entretien avec sub
    • Pratiques informatiques « offensives »
  • Post scriptum
  • Chronologie

Intervenir

  • Prélude
  • Le marteau sans maître
  • Énonciation et diffusion
  • Féminismes, autonomies, intersections
  • Ancrages - Les Tanneries, 1997 - 20..
  • Rencontres avec le monde ouvrier
    • Une hypothèse
    • Aux portes de l’usine
  • Mouvements sociaux
  • Composition - indignados et mouvement du 15M

Trajectoires IV - 2010-2013

  • Charivaris contre la vidéosurveillance
  • Hôtel-refuge
  • A sarà düra Voyage en Val Susa
    • Récit de voyageurs lost in translation…
    • La vallée qui résiste
  • Les points sur la police IV
  • Une brèche ouverte à Notre-Dame-des-Landes

S’organiser sans organisations

  • Extrait d’une lettre de G., ex-syndicaliste
  • Solidarités radicales en galère de logement
  • Une histoire du réseau Sans-Titre
  • Un coup à plusieurs bandes
  • Les assemblées du plateau de Millevaches
  • S’organiser dans les mouvements barcelonais

Le basculement a commencé bien tôt. À treize piges, tu choures quelques sacs sur la plage. Par défi, par jeu ou par ennui. Premières gardes à vue. Premières humiliations. Tu apprends à lever le menton et à serrer les dents, jusqu’à la prochaine. Au bout d’un moment, tu ne comptes plus le nombre de fois où tu as baissé les yeux quand tes darons sont venus te chercher au commissariat. « Mais c’était pour jouer, maman » … Non, tu ne veux plus grandir. Ce n’est pas toi qui désertes le monde, c’est le monde qui se distancie de toi.

Alors tu décides de ne jamais t’arrêter ; comme on se tient des promesses quand on est minot : « On se donne rendez-vous dans 10 ans.  » Tu veux jouer, encore et toujours. C’est à ce moment que tu te rends compte que c’est au fond de la classe qu’on voit tout. Le radiateur en hiver, la fenêtre en été. Mais au fond, quoiqu’il arrive. La tête qui repose sur le mur de derrière, la voix des profs et la chaise à deux pieds pour bercer tes pensées. Tes seules interventions consistent à foutre du chewing-gum dans le magnétoscope ou dans la serrure. Tu uses tout à la fois de prudence et d’ingéniosité pour tricher : les formules de maths recopiées au crayon sur la règle en métal ; les dates d’Histoire planquées dans la manche ; les verbes irréguliers, en Anglais, imprimés en petite police et glissés sous la feuille de contrôle… Et en dernier recours, tu as l’infirmerie et son lit douillet qui te permettra de finir ta nuit.

« C’est un défi entre le système et nous », me disait une copine au collège, tout en enfonçant un trombone plié en U dans une prise (avec une gomme pour isolant), histoire de faire disjoncter tout le bâtiment cinq minutes avant les cours.

Si génie il y a, c’est grâce à celui de la triche, de l’écart, du mensonge et de la supercherie que tu es parvenue au lycée. La cour des grands. Les premiers cours séchés. Les premiers bedos en s’ennuyant sous l’abribus. Et surtout, les premiers mouvements sociaux.

en grève

2005. La quasi-totalité des lycées français sont bloqués contre la loi Fillon. On ne se souvient plus vraiment aujourd’hui ce qu’elle disait cette loi-là. Peut-être même qu’à l’époque, au fond, on s’en foutait un peu. De toute façon, c’est pas ce qui reste. Ce dont on se souvient, c’est de cette sensation folle de libération. Bien trop peu politisés pour se fixer des barrières. Je me souviens d’une conversation avec une copine qui me soutenait qu’on pouvait supprimer l’argent. Je trouvais ça complètement con… mais avec le recul !

Tu apprends à crocheter les serrures sur celles du gymnase, pour dormir sur les matelas de gymnastique. À huit, bien serrés, il fait tout de même plus chaud. Au pire, tu fous quelques chaises en bois pour faire un feu de joie, au milieu d’une cinquantaine de tentes qui occupent l’espace vert du lycée. Et les premières amours, les plus intenses, se créent ici, dans cette faille. Il faut assumer ses premières gueules de bois en hurlant sur les poubelles qui bloquent le lycée, après avoir dormi quatre heures. Quand tu partages une boîte de céréales sur deux carcasses de voitures empilées que les mecs du génie mécanique ont portées à bout de bras, par-dessus la barrière du lycée, pour sûr, tu as fait un grand pas de côté ; et il te semble alors impossible de revenir un jour dans le droit chemin. Quelques-uns de tes acolytes d’alors s’éloignent, justement. Ils le rejoignent, ce chemin. Quand d’autres, forcément, des années plus tard, sont toujours là, pas trop loin.

C’est quand tu te fais virer du lycée pour absentéisme que tu saisis – au moins en partie – l’étendue de leur absurdité. «  Pourquoi vous me virez ? Je ne suis déjà plus là. » C’est toujours un peu l’angoisse, ces situations. Mais tu décides de rebondir ; les autres diront : de t’enfoncer. Tu partages toujours des conversations interminables avec tes amis. Tu refais le monde, quoi. Mais en rentrant chez toi, tu te prends dans la gueule son quadrillage. La finesse de sa trame. Il faut bien bouffer quelque chose ce soir. Et alors naissent les premières déceptions. L’errance du salariat et les ruptures familiales. Tu feras de la malice ta principale alliée, avec pour seule ligne de conduite une éthique fluctuant selon les nécessités. Tu choures tout ce qui est à portée de main. Tu te passionnes pour le pick-pocketing et le crochetage de serrures. Tu bâtis, des nuits durant, des arnaques. Ce sont des plans d’attaque, rien d’autre. Pour la dimension pécuniaire, très certainement. Mais par défi, surtout. Pour se sentir vivant, sans en douter. Pour rendre les coups, enfin… Quelle jouissance quand tu refourgues à la Française-Des-Jeux des tickets gagnants déjà encaissés ! Quand tu revends à une grande enseigne d’informatique ses propres produits ! De toute façon, cela fait longtemps que ta première mine d’informations est la rubrique « faits divers ». Peut-être bien deux fois sur trois, tu te looses violemment. Mais qu’importe : tu réfléchis désormais avec ce pas de côté que tu as fait sur les barricades du lycée.

Allers-retours

Parfois, c’est ton portefeuille qui te raccroche. Tu fais un taf alimentaire ici ou là. Mais lorsque tu distribues ces pubs pour une salle de fitness au feu rouge, tu réfléchis encore à t’évader. Loin. Parfois, c’est la famille qui te rattrape. Il ne faudrait tout de même pas refuser d’honorer ces invitations : la fête de Noël, le repas du dimanche soir ou les soixante-dix ans de mamie. Difficile de ne pas honorer par la même occasion les injonctions insidieuses et culpabilisantes d’insertion. Parfois, c’est le poids du marteau judiciaire qui te tape sur les doigts. Ainsi, devant le juge pour enfants, lorsque tu déclaras, le regard collé aux lacets : « non, Monsieur, je ne le ferai plus », ton ventre y croyait un peu… Parfois, ce sera un désir normé de reconnaissance sociale qui te poussera à t’ennuyer à la fac pendant de longues années. Tu en tireras un ou deux potes, une poignée de cours intéressants, et beaucoup d’ordinateurs à refourguer.

Comme on pourrait rebondir de platane en platane, on serpente ainsi entre sentiment de désertion et attache à la norme. Tension toujours palpable. Quand on est le déserteur de l’un, on est certainement l’inséré de l’autre… Tu t’es drapé d’un masque social, un bouclier qui pare des attaques aussi violentes que la question « tu fais quoi dans la vie ? » Mais le danger est peut-être que tu finisses par croire en ce masque, qu’il te colle à la peau, que tu fasses tienne cette identité.

Finalement, il n’y a pas d’armée sociale à fuir, comme il n’y a pas de dehors où déserter définitivement. Il y a par contre ce souffle, cet appel d’air. Tu le ressens, tu crois l’avoir toujours ressenti, tu te dis que c’est le même qui a traversé les bandits, les faussaires. Si on ne peut être un déserteur, on peut par contre décider de sentir ce souffle le plus souvent possible. Ce vent qui prend sa source dans ces espaces de jeux que tu te donnes, que tu inventes, et qui vient gonfler cette part d’enfance.

Ne pas avoir de regrets… C’est plus simple lorsque l’on commence tôt à chercher d’autres voies. Quand un sentiment d’inadaptation rencontre une effervescence, l’occasion de quitter le rang se fait jour. Le mouvement contre la réforme Fillon en 2005 a (...)

Fugues mineures en ZAD majeure

Le Figaro du 2 janvier 2013 :
Déjà ingérable pour les forces de l’ordre dans sa configuration (...)

Tant qu’il y aura de l’argent

L’argent… C’est souvent lui qui nous ramène sur les voies que l’on souhaitait quitter. S’organiser (...)

Témoignages

Solidarités radicales en galère de logement
Tout pour tout.e.s ! (Grenoble)
Les pieds dans la Moqata
récit de voyages en Palestine
Ivresse, transe et Petassou
Un noceur en vadrouille au carnaval des gueux de Montpellier

Fictions

Un coup à plusieurs bandes
Lettre à V pour Vendetta
Serial sabotages
clé à molette awards

2005

Nocturnes des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
Dijon, 2005
La vallée qui résiste
Récit de la lutte contre le TGV Lyon-Turin

Constellations

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AGENDA
De nouvelles dates à venir bientôt.
CONSTELLATIONS

Borroka ! Désormais disponible en librairie


Cet abécédaire du Pays basque insoumis a été rédigé en vue du contre-sommet du G7 qui se tiendra en août 2019 à Biarritz. Il a été pensé comme une première rencontre avec un territoire et ses habitants. Car le Pays basque n’est ni la France au nord, ni l’Espagne au sud, ou du moins il n’est pas que l’Espagne ou la France. On s’aperçoit en l’arpentant qu’y palpite un monde autre, déroutant : le monde en interstices d’un peuple qui se bat pour l’indépendance de son territoire. Borroka, c’est la lutte, le combat, qui fait d’Euskadi une terre en partie étrangère à nos grilles d’analyse françaises. C’est de ce peuple insoumis et de sa culture dont il sera question dans cet ouvrage.
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